Plans sociaux chez Vivarte: «On ne sait pas où on va», raconte une gérante de La Halle aux chaussures
TEMOIGNAGE•Des salariés du groupe Vivarte (André, Naf Naf, La Halle aux chaussures, etc.) manifestent ce jeudi devant Bercy à Paris pour alerter sur le (nouveau) plan social qui doit être annoncé ce mois…Céline Boff
Le plus dur pour Natacha, 41 ans, c’est l’incertitude. En septembre, son groupe, Vivarte, qui détient de multiples marques de prêt-à-porter (André, Naf Naf, Minelli, Kookaï, etc.), a annoncé son intention de céder une centaine de magasins La Halle aux chaussures.
Depuis, Natacha attend de savoir si les deux points de vente qu’elle dirige seront sur cette liste. « Le siège devait nous donner une réponse fin novembre, puis il l’a reportée à fin janvier… Depuis quatre mois, on ne sait pas où on va… Depuis quatre mois, je ne sais pas si je vais garder mon emploi. C’est vraiment insupportable ».
« Je n’ai plus d’entrain »
Ce qui l’est encore plus pour cette directrice, « c’est de trouver la force pour motiver les équipes ». Elle gère six salariées dans deux magasins implantés en Dordogne, l’un à Ribérac, l’autre à Chancelade. « Nous sommes à la campagne, alors les vendeuses doivent faire pas mal de route pour venir travailler et en plus, elles sont à temps partiel… Avec la perspective d’un licenciement, elles n’y arrivent plus. Elles se disent que cela ne rime à rien. Et j’ai de plus en plus d’arrêts maladie ».
Face à ses employées, Natacha essaye de garder le sourire, mais le cœur n’y est pas. « Pour les rassurer, je leur dis que la direction fait le maximum… Mais c’est un peu un mensonge. Parce qu’en fait, le groupe ne nous dit absolument rien. J’essaye de tenir le cap pour les filles, mais je n’en peux plus… Je n’ai plus d’entrain ».
Natacha est d’autant plus « écœurée » qu’elle a l’impression d’avoir tout donné pour son groupe. Elle est entrée à la Halle aux chaussures il y a dix ans, comme simple vendeuse. A force de travail, elle a grimpé les échelons. « Et voilà comment on est remerciés… Je trouve vraiment inhumain de ne pas nous dire ce qu’il en est. Vous savez, j’aimais vraiment beaucoup mon métier et mon enseigne… ».
Natacha parle avec émotion de ses premières années, quand les magasins tournaient « hyper bien ». « C’était toujours plein, les familles venaient chez nous pour chausser tous leurs enfants… ». Et puis, en 2012, le groupe a voulu monter en gamme, et les rayons se sont vidés. « Peut-être qu’à Bordeaux ou à Paris, ça marche, mais dans une campagne reculée comme la nôtre, où les familles vivent avec des petits salaires, vendre de la chaussure chère, ça n’a aucun sens ! »
« Les politiques, je n’en attends plus rien »
Natacha aurait bien aimé monter à Paris ce jeudi pour participer au rassemblement des salariés Vivarte. Car ceux de la Halle aux chaussures ne sont pas les seuls menacés. Patrick Puy, le nouveau PDG de ce groupe en difficultés structurelles depuis 2014 et désormais détenu par des fonds qualifiés de « vautours » par les syndicats, doit présenter dans les jours qui viennent un énième plan de réorganisation. Avec, sans doute, de multiples licenciements à la clef.
Mais Natacha ne peut pas se libérer : « Nous avons trop peu d’effectifs pour faire tourner les magasins… ». Et si les syndicats de Vivarte doivent être reçus ce jeudi au ministère de l'Economie, Natacha ne se fait pas d’illusions : « Les politiques, je n’en attends plus rien. S’ils s’étaient bougés, ils auraient pu sauver au moins quelques magasins, quelques familles. Mais maintenant, notre groupe est tellement au bord du gouffre… Notre affaire n’a pas été médiatisée, alors que nous sommes 17.000 salariés. Et tous ces politiques, ils pensent seulement à la primaire et à la présidentielle. Nous, on ne les intéresse pas… Tout ce que je vois, c’est que je vais sans doute devoir m’inscrire bientôt à Pôle emploi. Et que les politiques, ils prévoient de baisser les allocations-chômage… ».