Coupe du monde du pouvoir d’achat: A votre avis, comment se situent les Français?
MATCH•L’Insee a dévoilé ce jeudi une étude comparant l’évolution du pouvoir d’achat dans plusieurs pays depuis la crise…Céline Boff
L’herbe paraît souvent plus verte ailleurs. En matière de pouvoir d’achat par exemple*, certains de nos concitoyens ont tôt fait de penser que la crise les a durement touchés et qu’ils seraient bien mieux lotis s’ils étaient Anglais, Allemands ou encore Américains. Mais est-ce vraiment le cas ? Comment a évolué le pouvoir d’achat des Français et celui des habitants des plus grandes puissances mondiales depuis 2007 ? C’est ce qu’ont cherché à savoir les économistes de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Et ils livrent la réponse ce jeudi.
Alors, qu’en est-il ?
Nous pourrions vous donner le classement tout de suite, mais parce qu’il n’y a aucun match de l’Euro jusqu’à samedi, nous avons trouvé judicieux de vous faire patienter en vous concoctant un petit championnat (aux règles totalement arbitraires, mais c’est notre championnat, donc c’est comme ça. Ceci dit, les résultats sont garantis sans trucage (par l’Insee)).
Petit avertissement : la compétition ne porte pas sur le niveau du pouvoir d’achat, mais sur son évolution entre 2007 et 2014. Et nous avons placé (de manière arbitraire) dans le Groupe A la France, les Etats-Unis et l’Espagne. Et dans le Groupe B l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie.
Matchs d'ouverture
Comme c’est l’Insee qui reçoit, le match d’ouverture oppose les Français aux Espagnols. Là, vous êtes plutôt sereins. Vous vous dites qu’avec leurs baisses de salaires, notamment chez les fonctionnaires, et leur taux de chômage qui a frôlé les 24 % (23,6 %) fin 2014, vous serez forcément gagnants. Eh bien vous avez raison : les Espagnols ont perdu, en moyenne, 1,4 % de pouvoir d’achat par an entre 2007 et 2014, quand les Français en gagnaient, en moyenne, 0,3 %. Le pouvoir d’achat des Espagnols a pourtant longtemps résisté : entre 2000 et 2007, il progressait chaque année de 1,4 %, soit presque autant qu’en France (+1,6 %).
Le résumé des autres matchs : Les Américains ont également terrassé les Espagnols, qui sont donc définitivement éliminés. Dans le Groupe B, le pouvoir d’achat des Italiens qui progressait plus vite que celui des Allemands entre 2000 et 2007 (+0,9 % contre +0,7 % chaque année) s’est brusquement effondré à partir de 2007 (-2 % chaque année) et aux dernières nouvelles (de 2014 donc), il continuait de plonger. Bref, l’Italie est éliminée.
Demi-finales
La première demi-finale oppose donc les Français à leurs meilleurs ennemis (historiques, sinon c’est discutable) : les Britanniques. Vous traînez des crampons en pensant à leur faible taux de chômage (5,5 % fin 2014, soit quasiment le plein emploi), à leur dette publique certes très éloignée des 60 % réglementaires mais bien moins élevée que celle de la France (87,9 % contre 95,3 % à fin 2014). Et puis, ces satanés Anglais ne nous auraient-ils pas ravi la place de cinquième puissance économique en 2014 ? Ben si. Et pourtant, sur le terrain du pouvoir d’achat, les Français l’emportent haut la main. Depuis 2007, les Britanniques ont perdu, en moyenne, 0,5 % de pouvoir d’achat par an quand les Français en gagnaient, on vous le rappelle, 0,3 %.
Le résumé de l’autre demi-finale : Les Allemands, champions de l’exportation, face aux Américains, citoyens de la première puissance mondiale, en voilà une rencontre intéressante. Et pourtant, y’a pas photo. Les Etats-Unis ont beau être le pays le plus riche de la planète, depuis 2007, ses habitants ont gagné chaque année 0,5 % de pouvoir d’achat soit moitié moins que les Allemands. Avant la crise, les premiers étaient pourtant bien mieux lotis que les seconds : ils voyaient leur pouvoir d’achat progresser de +2 % chaque année (depuis 2000), contre seulement +0,7 % pour les Allemands.
Finale
La finale oppose donc les Français aux Allemands (un air de « deuja vous » comme diraient les Américains). Vous tremblez. Vous vous souvenez que l’Allemagne a un taux de chômage aussi irréprochable qu’un arrêt de Manuel Neuer (5,1 % fin 2014) et des comptes publics aussi propres qu’une frappe de Thomas Müller. Mais pour vous rassurer, vous pensez à leurs mini-jobs, leurs midi-jobs et leurs jobs à un euro. L’Allemagne, ce n’est pas le pays des travailleurs pauvres ? Si, ça l’est. Mais ça n’empêche pas les Allemands d’avoir, en moyenne, vu leur pouvoir d’achat s’améliorer bien plus que celui des Français depuis la crise : +1 % contre +0,3 %.
Le trophée de l’évolution la plus favorable du pouvoir d’achat depuis 2007 revient donc aux Allemands. Viennent ensuite les Américains, puis les Français. Ce sont les trois peuples qui ont vu leur pouvoir d’achat progresser, malgré la crise. Ce n'est pas le cas des Britanniques, des Espagnols et des Italiens.
Mais qu’en est-il de ce pouvoir d’achat en valeur absolue ?
En 2014, les Allemands remportaient une fois de plus la mise avec une moyenne de 25.600 euros, suivis des Français avec 25.000 euros, puis des Britanniques avec 24.800 euros, puis des Italiens avec 19.730 euros et enfin des Espagnols avec 16.000 euros (nous avons demandé à l’Insee ce qu’il en était des Américains, mais ils ne pouvaient pas nous répondre dans les courts délais que nous leur avions impartis, à cause d’une sombre histoire de déflateur).
Morale du championnat : Le pouvoir d’achat des Français a, en moyenne, progressé de 14 % entre 2000 et 2014. De tous les compétiteurs, ce sont surtout les Italiens qui ont raison de penser que l’herbe est plus verte ailleurs : ils sont ceux qui ont connu la plus forte dégradation de leur pouvoir d’achat depuis la crise de 2008.
*Pour info, le pouvoir d’achat, c’est les revenus + les prestations sociales - les impôts, le tout rapporté aux prix de consommation pratiqués dans le pays donné.