SOCIALComment la SNCF veut réorganiser le travail de ses agents

Comment la SNCF veut réorganiser le travail de ses agents

SOCIALLa direction et les syndicats de la SNCF se réunissent ce mercredi pour négocier une nouvelle organisation du travail…
Céline Boff

Céline Boff

C’est une petite révolution pour les agents de la SNCF. Jusqu’à présent, leurs conditions de travail étaient fixées directement par l’Etat, via un décret appelé « RH 0077 ». Mais c’est fini : elles seront bientôt déterminées par un accord d’entreprise. Autrement dit, ce sont les syndicats et la direction de la SNCF qui vont devoir les négocier. Et ils se réunissent ce mercredi pour en discuter.

Guillaume Pépy, le patron de la SNCF, l’a assuré mardi : il souhaite parvenir à un « accord équilibré ». De fait, les propositions de la direction, dévoilées la semaine passée, viennent préserver les trois quarts des acquis des cheminots, à commencer par leur statut, leur régime spécial de retraite ou encore leur temps de travail, qui reste à 1.568 ou 1.589 heures par an selon les catégories de personnel, contre une durée légale de 1.607 heures.

La pause casse-croûte menacée

Pépy a également affirmé que la négociation permettra « d’avancer » sur certaines revendications des salariés. « Nous attendions des évolutions sur le travail de nuit, mais il n’y a rien », regrette Rémi Aufrère, secrétaire général adjoint de la CFDT Cheminots.

Car, pour l’heure, « les cheminots sont plus mal lotis que les salariés du privé : pour être qualifiés de travailleurs de nuit, les premiers doivent réaliser, sur un an, 330 heures de nuit s’ils sont "roulants" ou 455 heures s’ils sont "sédentaires" contre 270 heures pour les seconds ».

En revanche, « certains changements voulus par la direction nous posent problème », avance Rémi Aufrère. A commencer par « la pause casse-croûte, qui dure en moyenne une vingtaine de minutes et qui ne sera plus comptée comme du temps de travail effectif. Cela revient à nous demander de travailler 20 minutes de plus. »

« Il serait peut-être temps de remettre en cause cette organisation »

Cette proposition correspond à l’un des objectifs de Pépy, à savoir profiter de la négociation pour « faire en sorte que chaque heure payée soit une heure productive », comme il l’annonçait début 2015 dans un entretien aux Echos. La direction de la SNCF souhaite enfin accroître l’amplitude horaire journalière de certaines catégories d’agents et envisage une hausse de trente minutes à une heure selon les cas.

Quel serait le gain d’une telle évolution pour la SNCF ? Pépy refuse de communiquer ce chiffre. Mais la direction a souvent répété que ses agents étaient 20 % moins productifs, ou 20 % plus chers, que leurs concurrents.

Ce qui fait bondir Rémi Aufrère : « Il est vrai que certains conducteurs de fret jouent à la belote quand des conducteurs de voyageurs se retrouvent débordés, mais ce modèle a été construit par Guillaume Pépy : c’est lui qui a divisé la SNCF en plusieurs activités en dressant des murs entre chacune, empêchant de fait le travail collectif. Il serait peut-être temps de remettre en cause cette organisation ».

Une grève programmée le 10 mai

Les négociateurs parviendront-ils à un accord ? Ils doivent aller vite : le 1er juillet prochain, le décret fixant l’organisation du travail à la SNCF deviendra caduc. Ce qui n’inquiète pas Rémi Aufrère : « Accord d’entreprise ou pas, les changements ne s’opéreront pas avant le service d’hiver, car modifier les roulements est un travail considérable ».

En attendant, le syndicaliste n’écarte pas la possibilité de recourir à la grève, alors qu’une nouvelle journée d’action est d’ores et déjà prévue le 10 mai. Ce sera la quatrième « gêne de la circulation » organisée en dix semaines. Avec toujours le même objectif : peser sur une autre négociation en cours, celle visant à créer une convention collective dans la filière ferroviaire. Elle aussi doit aboutir rapidement, alors que l’ouverture à la concurrence sera effective dès 2020 pour les lignes TGV et dès 2023 pour les trains TER et Intercités.