Les rescrits fiscaux, au coeur du scandale «Luxleaks»

Les rescrits fiscaux, au coeur du scandale «Luxleaks»

Les rescrits fiscaux, au coeur du scandale "Luxleaks", sont des accords passés entre le fisc d'un pays et les multinationales qui y sont implantées. Comment fonctionnent ces "tax rulings", qui ne sont pas une spécialité luxembourgeoise ?
Vue extérieure en date du 10 novembre 2014 du cabinet d’audit PwC Luxembourg à Luxembourg
Vue extérieure en date du 10 novembre 2014 du cabinet d’audit PwC Luxembourg à Luxembourg - EMMANUEL DUNAND AFP
© 2016 AFP

© 2016 AFP

Les rescrits fiscaux, au coeur du scandale «Luxleaks», sont des accords passés entre le fisc d'un pays et les multinationales qui y sont implantées. Comment fonctionnent ces «tax rulings», qui ne sont pas une spécialité luxembourgeoise ?

Qu’est-ce qu’un rescrit fiscal ou «tax ruling» ?

Un rescrit fiscal, ou «tax ruling» en anglais, est une pratique qui permet aux entreprises de s’adresser directement à l’administration fiscale pour obtenir de cette dernière une «décision anticipée» concernant l’impôt auquel elles seront soumises.

En utilisant certaines niches, les rescrits permettent aux multinationales d'échapper en partie ou totalement à l'impôt dans les pays européens où elles sont installées.

Presque tous les États membres de l’UE connaissent ces pratiques des décisions anticipées, qui ne sont par conséquent pas une spécialité luxembourgeoise.

Dans le cas du Luxembourg, des multinationales ont négocié des rulings en ayant recours à des niches fiscales, notamment sur la propriété intellectuelle, des techniques hybrides et le réseau très étendu de conventions fiscales bilatérales. Cela leur a permis de réduire leurs taux d’imposition à des niveaux très bas, jusqu’à 1%, alors que le taux d’imposition des sociétés est de 29% au Luxembourg.

Comment les rulings sont-ils encadrés au Luxembourg ?

Les rescrits fiscaux sont en principe légaux. Au Luxembourg, leur pratique remonte à 1989 et n’était encadrée, jusqu’à l’affaire des «Luxleaks», que par une circulaire de l’Administration des contributions directes.

Depuis janvier 2015, le gouvernement luxembourgeois a ancré leur pratique dans un règlement grand-ducal et mis en place une commission des décisions anticipées au sein de l’administration fiscale pour vérifier la conformité des rulings avec la réglementation à la fois luxembourgeoise et internationale.

Combien le Luxembourg a-t-il produit de rulings ?

Les chiffres ne sont pas publics. Le scandale «Luxleaks» a porté sur la révélation de plus de 500 accords fiscaux entre 2002 et 2010, provenant du cabinet d’audit PwC Luxembourg.

Selon le magazine Paperjam, à l’âge d’or des rulings, avant les «Luxleaks», l’Administration des contributions directes signait 2.000 rulings par an avec les multinationales.

Le scandale des «Luxleaks» a porté un coup de frein à la production. En 2014, l’Administration des contributions ont conclu 715 décisions anticipées.

La firme PwC en avait demandé 330 en 2014, mais sa demande s’est effondrée à 120 en 2015 et 8 seulement au premier trimestre 2016, selon les déclarations du responsable de son département fiscal.

Quel a été l'impact des «Luxleaks» sur la lutte contre l'évasion fiscale ?

A la suite du scandale «Luxleaks», la Commission européenne s'est lancée dans une vaste croisade contre la fraude fiscale. Cette croisade paraissait d'autant plus nécessaire que son président Jean-Claude Juncker était à la fois Premier ministre du Luxembourg et ministre des Finances au moment des faits.

Et les choses n'ont pas traîné: le 8 décembre 2015 a été adoptée définitivement une directive européenne --c'est-à-dire un ensemble de règles-- sur les rescrits fiscaux qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2017.

En vertu de cette directive, les États membres de l'UE devront procéder à l'échange automatique d'informations sur leurs accords fiscaux avec les multinationales.

Elle prévoit une rétroactivité de cinq ans (donc jusqu'au 1er janvier 2012) pour tous les rescrits fiscaux encore valides et de trois ans (donc jusqu'au 1er janvier 2014) pour ceux qui ne sont plus en vigueur. Pour les PME qui génèrent un chiffre d'affaires de moins de 40 millions d'euros annuels, la rétroactivité est extrêmement limitée: elle court jusqu'au 1er avril 2016.