Alexandre de Juniac, le redresseur d'Air France-KLM s'envole vers des cieux plus cléments

Alexandre de Juniac, le redresseur d'Air France-KLM s'envole vers des cieux plus cléments

Pendant les trois ans passés à la tête du groupe Air France-KLM, son pugnace PDG, Alexandre de Juniac, a redressé mais parfois brusqué un groupe qui était à son arrivée à la limite du décrochage.
© 2016 AFP

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Pendant les trois ans passés à la tête du groupe Air France-KLM, son pugnace PDG, Alexandre de Juniac, a redressé mais parfois brusqué un groupe qui était à son arrivée à la limite du décrochage.

Arrivé avec l'ambition de hisser son groupe dans le trio de tête mondial de l'aviation commerciale, M. de Juniac s'apprête à le quitter avec la maigre satisfaction d'avoir redressé le manche d'une compagnie qui a renoué avec les profits en 2015, pour la première fois depuis sept ans.

«Redresser des boîtes, ça me plaît», confiait-il avec un naturel surprenant en juillet 2015, alors qu'il venait d'annoncer un énième train d'économies.

Un plaisir, donc, mais qui a son prix: sous sa férule, les tensions sociales ont atteint des sommets, surtout avec les pilotes. La grève de deux semaines en septembre 2014, qui a eu raison de son projet de filiale européenne à bas coûts Transavia Europe, est encore dans les mémoires.

Tout comme l'image, désastreuse et désormais mondialement célèbre, de Xavier Broseta, le directeur des ressources humaines, torse nu, chemise déchirée par des employés lors d'un comité d'entreprise en octobre dernier, après l'annonce de nouvelles suppressions de postes.

Ses détracteurs fustigent ses méthodes de redressement cavalières, taillant sabre au clair dans les effectifs: rien que chez Air France, 5.500 postes ont été supprimés durant son mandat.

«En termes de confiance et de dialogue social, on a vu plus efficace», déclare à l'AFP Véronique Damon, secrétaire générale du SNPL, premier syndicat de pilotes de la compagnie française.

«Alexandre de Juniac avait réussi à cristalliser sur son nom un certain nombre de ressentiments», confirme Béatrice Lestic, de la CFDT.

«D'entrée de jeu, on a vu que c'était un mercenaire qui n'avait pas le sentiment d'appartenance à l'entreprise», affirme pour sa part Miguel Fortea, numéro un de la CGT dans l'entreprise.

- l'ENA, Bercy, le piano et la voile -

Sa nomination début 2013 n'avait pourtant rien d'un parachutage: alors patron d'Air France depuis plus d'un an, il était le dauphin désigné de Jean-Cyril Spinetta, et s'est appliqué à mettre en oeuvre le plan de restructuration Transform 2015 voté sous son prédécesseur.

Le verbe franc, parfois sec, ce fils de diplomate passé par Polytechnique, l'ENA (promotion Michel de Montaigne) puis le Conseil d'Etat, a débuté au cabinet de Nicolas Sarkozy, alors ministre du Budget, avant d'entamer une lente ascension dans l'aéronautique.

Après un passage chez Thomson SA (devenu Technicolor), il entre chez Sextant Avionique en 1997, puis rejoint en 1999 Thomson-CSF, peu après renommé Thales.

Il y restera dix ans, dirigeant à partir de 2004 la division «systèmes aériens» du groupe, puis à partir de 2008 l'ensemble des activités en Asie, en Afrique, au Moyen-Orient et en Amérique latine.

En 2009, il revient à Bercy en tant que directeur de cabinet de la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, poste qu'il occupe jusqu'en juin 2011, avant d'atterrir à Air France en novembre.

La Commission de déontologie de la fonction publique n'y avait pas vu d'obstacle, contrairement à sa candidature à la succession d'Anne Lauvergeon à la tête d'Areva, retoquée fin 2010 car jugée «incompatible» avec ses fonctions à Bercy.

En rejoignant avant le 1er août les cieux moins turbulents de l'association du transport aérien international (IATA), qui représente l'ensemble des compagnies aériennes de la planète, il s'éloignera pour la première fois du secteur public et parapublic français (l'Etat français détient un peu plus de 17% d'Air France-KLM).

Père de quatre enfants, passionné de piano, ce joueur de jazz et de rock s'est longtemps produit dans des soirées et sur les trottoirs du boulevard Saint-Germain à Paris pendant la Fête de la musique, au sein de l'orchestre «Limonart» - abréviation de «limonade artisanale».

Sur l'eau salée, il s'adonne à son autre grande passion, la voile, voguant au large des côtes varoises sur un bateau baptisé Péra, nom grec d'un quartier d'Istanbul signifiant «au-delà».

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