Un ex-directeur de Natixis AM revendique le statut de «lanceur d'alerte»
Lanceur d'alerte "exemplaire" ou habile manipulateur agissant ...© 2016 AFP
Lanceur d'alerte «exemplaire» ou habile manipulateur agissant par «intérêt personnel»? Les Prud'hommes de Paris ont examiné mardi le dossier d'un ex-directeur de Natixis Asset Management (NAM) remercié après avoir dénoncé des commissions présumées occultes.
En tant que responsable de la conformité, du contrôle interne et des risques jusqu'à son licenciement en novembre 2014, Abdel B. était naturellement celui qui «devait mettre le doigt où ça fait mal», selon son avocat Me William Bourdon. L'homme chargé de «détecter des anomalies», «très compétent» et «rigoureux», selon son confrère représentant la société de gestion du groupe BPCE.
Sur le reste du dossier, deux versions se sont affrontées pendant 1h30 d'audience devant la 3e chambre de la section «encadrement» tant sur la nature, délictuelle ou pas, des commissions, que les conditions dans lesquelles ce cadre haut placé a été licencié.
Pour son avocat, Abdel B. est un cas de lanceur d'alerte «exemplaire», «caricatural, de collaborateur qui se retrouve châtié pour avoir fait son travail» avec «courage et naïveté», a souligné dans sa plaidoirie Me Bourdon en invoquant les dispositions protectrices votées en 2013 pour les lanceurs d'alerte, que la loi Sapin II doit venir renforcer.
Les commissions en question font l'objet d'une enquête de l'Autorité des marchés financiers (AMF), a-t-il rappelé, évoquant un «système» de «double marge» sur des «fonds à formule» souscrits par des particuliers.
La démission en mars du directeur général de NAM, Pascal Voisin, est «évidemment en lien avec l'enquête de l'AMF» et «le parquet de Paris va bientôt être saisi», a-t-il lancé en ajoutant que «cette affaire aura des secousses sismiques lourdes».
Quelques semaines avant, le Crédit Suisse avait découvert des irrégularités dans des transactions avec Natixis AM sur d'autres produits financiers complexes («produits structurés» pour professionnels). L'affaire avait été révélée en avril 2015 par Mediapart.
De l'autre côté, l'avocat de NAM a demandé au tribunal de «démêler le vrai du faux» et «différencier les lanceurs d'alerte de bonne foi, d'autres personnes qui agissent pour leur intérêt personnel». En l'espèce, accéder au comité de direction, a-t-il dit.
Les deux conditions requises pour définir un lanceur d'alerte, «la bonne foi» et la dénonciation «d'éléments susceptibles de caractériser un crime ou un délit» ne sont pas réunies, a fait valoir Me Jean-Marc Albiol en affirmant que NAM était «une société vertueuse».
L'ex-directeur, âgé de 52 ans et «cramé» dans la profession, demande à être réintégré. A défaut, il réclame 2 millions d'euros, dont 5 ans de rappel de salaire et près de 500.000 euros de dommages et intérêts pour les conditions «vexatoires» de son licenciement au motif, en relevant que la société avait dans la presse expliqué qu'il avait eu un «comportement inapproprié».
Le jugement sera rendu le 3 mai.