L'avenir mouvant des fintech en France, ces start-up qui bousculent la finance
Depuis deux ans le marché des "fintech", jeunes sociétés technologiques ...© 2016 AFP
Depuis deux ans le marché des «fintech», jeunes sociétés technologiques de la finance, est en ébullition, notamment en France où l'offre foisonne. Mais entre grands groupes aux aguets et prochaine saturation du marché, un mouvement de concentration semble inévitable.
Emprunter auprès d'une communauté en ligne, obtenir en deux jours une carte de paiement dont on peut changer le code à la demande, placer son patrimoine en un clic sur des produits rentables sélectionnés par des algorithmes: les nouveaux services proposés par les fintech bouleversent l'écosystème d'un secteur traditionnellement tenu par les grandes banques.
Apparues à la faveur d'une bonne conjonction entre innovation technologique, une règlementation européenne favorisant la simplification et l'apparition de nouveaux moyens de paiement, leur nombre est estimé à près d'un millier en Europe, selon Guillaume-Olivier Doré, co-fondateur du réseau social à usage professionnel Viadeo et investisseur dans le secteur.
Le Royaume-Uni, précurseur du marché, est leur principal vivier, avant l'Allemagne et la France qui sont au coude à coude pour accueillir ces nouvelles coqueluches de la finance.
En France, elles sont actuellement environ 150 à opérer sur cinq grands segments : les paiements, le financement participatif ou crowdfunding, l'épargne, les services bancaires aux particuliers et les technologies d'infrastructures, résume M. Doré.
Parties en retard, les fintech françaises «opèrent un repositionnement sur la scène mondiale», indique Julien Maldonato, responsable de l'industrie financière chez Deloitte, cabinet de conseil devenu partenaire de France Fintech, l'une des trois associations professionnelles du secteur.
«Sur ces 12 derniers mois, tout est allé très vite avec des rythmes de croissance extrêmement forts et exponentiels», poursuit-il expliquant qu'au coeur d'un secteur financier traditionnel mature, les fintech créent un nouveau territoire où il s'agit d'aller vite pour récupérer les plus grosses parts du gâteau.
La concurrence s'annonce rude, notamment dans le financement participatif où «il faut atteindre une centaine de millions d'euros de volume annuel pour être rentable», note pour sa part Guillaume-Olivier Doré.
Or sur l'année 2015, quelque 70 plateformes ont levé 300 millions d'euros, selon le baromètre du crowdfunding en France établi par l'association Financement participatif France.
- Consolidation du secteur «inévitable» -
«Un mouvement de consolidation est inévitable», prédit M. Doré, à l'instar des spécialistes du secteur.
«Les fintech qui n'auront pas été parmi les premières vont disparaître», renchérit Damien Guermonprez, fondateur et PDG de Lemonway, fintech spécialisée dans la collecte de fonds pour des organismes tiers tels que les places de marchés et les sites de financement participatif.
Mais être pionnier ne suffit pas. Isodev, l'une des premières plateforme de prêts participatifs aux petites et moyennes entreprises, lancée en 2012 par Philippe Dupont, ancien patron de Banque populaire, avec le soutien financier de grands groupes et de «business angels» renommés, a été mise en liquidation en février 2015 et ses actifs rachetés par l'investisseur français Walter Butler.
MyMajorCompany, opérant depuis 2007 dans le financement participatif, a annoncé en février au quotidien Le Monde arrêter son activité de crowdfunding pour se concentrer uniquement sur son label de musique participatif.
«Dans la nouvelle économie, les premiers se répartissent les niches et se spécialisent», analyse M. Guermonprez, estimant que «la vocation des fintech est d'être rachetées par les banques et les grands groupes».
Pour l'heure, les grandes banques se contentent d'aider ces petits poucets, multipliant les annonces autour de création d'incubateurs, de lancement de concours ou de prises de participation minoritaires dans les fintech.
Les deux secteurs «ont un besoin réciproque qui sera vrai pendant au moins trois ans», estime M. Maldonato, les fintech ayant besoin des capitaux et infrastructures des banques et ces dernières de leur agilité technologique.
En outre, les fintech «vont là où ne veulent pas aller les banques qui leur laissent prendre des risques qu'elles ne veulent pas assumer» notamment auprès des milliers de clients de ces start-up de l'économie du partage, ajoute M. Guermonprez.
Bien que le régulateur soit exigeant en matières de fonds propres, il n'a pas suffisamment anticipé la prochaine concentration du secteur du financement participatif, pointe de son côté M. Doré.
«Si une plateforme disparaît, comment ses clients vont pouvoir suivre leurs investissements, quels interlocuteurs auront-ils ? C'est un sujet qui n'est pas beaucoup traité par le régulateur», souligne l'entrepreneur.