TRANSPORTSConcurrence taxis/VTC: Quelles pistes pour sortir du conflit?

Concurrence taxis/VTC: Quelles pistes pour sortir du conflit?

TRANSPORTSTrois économistes donnent leurs solutions pour arriver à un compromis après la journée de mobilisation émaillée de violences de ce mardi...
Manifestation des taxis, le 26 janvier 2016 contre la concurrence des VTC.AFP PHOTO / THOMAS SAMSON
Manifestation des taxis, le 26 janvier 2016 contre la concurrence des VTC.AFP PHOTO / THOMAS SAMSON - AFP
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

Ils avaient promis une mobilisation de grande ampleur, ils ont tenu parole. Des milliers de chauffeurs de taxi ont manifesté ce mardi partout en France pour protester contre la concurrence jugée déloyale des VTC (voitures de transport avec chauffeur). Après avoir reçu une délégation de chauffeurs de taxi, Manuel Valls a annoncé l’ouverture d’une concertation et la nomination d’un médiateur. 20 minutes fait le point sur les solutions qui pourraient dénouer le conflit.

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Quels sont les points de crispation des chauffeurs de taxi ?

« Depuis l’arrivée des VTC, je perds entre 40 à 50 % de mon chiffre d’affaires par jour par rapport à ce que je faisais avant », explique Jean-Marie Rebours, membre de la Fédération nationale des artisans du taxi. Ces derniers dénoncent les pratiques illicites des VTC (géolocalisation avant la réservation, occupation de la voie publique, racolage et utilisation détournée des véhicules LOTI (transport collectif de deux à 10 personnes)). Par ailleurs, les chauffeurs de taxi achètent parfois leur une licence plus de 200.000 euros (surtout dans les grandes villes où la majorité des chauffeurs font appel au marché secondaire) alors que les VTC s’acquittent seulement en préfecture d’une attestation (environ 100 euros),

« Les taxis parisiens expriment leur ras-le-bol https ://t.co/rRGqUrG9ci #AFP pic.twitter.com/sS65LohjmK — Agence France-Presse (@afpfr) January 26, 2016 »

La manifestation de ce mardi peut-elle déboucher sur une solution ?

Pour Yves Crozet, spécialiste de l’économie des transports, la manifestation des taxis sonne comme un baroud d’honneur : « Le processus de remise en cause des taxis ne fera l’objet d’aucun retour en arrière. Le taxi est devenu un service de luxe dans notre pays et l’on n’en trouve pas assez. Les VTC sont venus répondre à la demande des clients. Et de tout temps, les progrès technologiques ont fait des victimes », explique-t-il. Maurice Bernadet, économiste des transports, estime aussi que « l’évolution du métier de chauffeur de taxi est inexorable. Le système de licences contingenté qui régit la profession n’est plus viable avec la technologie. La libéralisation du secteur est inscrite dans l’histoire ». Cependant, selon lui, la manifestation de mardi « peut mettre la pression au gouvernement ».

La solution serait-elle de mieux faire respecter la loi Thévenoud de 2014 ?

Cette loi devait délimiter les droits et les devoirs des taxis et des VTC. Ces derniers n’ayant plus le droit de faire de maraude (prendre des clients à la volée) et de stationner sur la voie publique en attente du client. Mais ces pratiques sont loin d’avoir disparu et seulement 33 contraventions ont été établies entre janvier et fin septembre 2015. Une circulaire a d’ailleurs été envoyée la semaine dernière aux préfets pour les exhorter à « amplifier l’activité le contrôle » des VTC. Manuel Valls a d’ailleurs confirmé ce mardi le renforcement des contrôles. Mais pour Yves Crozet, « ils sont difficiles à réaliser. Il pourra y avoir quelques opérations d’éclat pour montrer que les VTC récalcitrants sont verbalisés, mais on ne pourra pas arrêter la vague », estime-t-il.

« Un médiateur nommé pour restaurer l’équilibre du secteur après la grève des #taxis Suivez notre live sur @20Minutes https ://t.co/LoGbpnfcMc — Vincent Vantighem (@vvantighem) January 26, 2016 »

Faut-il indemniser les chauffeurs de taxi, comme ils le réclament ?

« Avec cette concurrence des VTC, les chauffeurs de taxi voient leur licence perdre de la valeur. Il faudrait que l’Etat leur propose une indemnité compensatrice partielle ou totale », pense Maurice Bernadet. « Mais racheter les 17.500 licences à Paris à leur valeur d’acquisition et non à leur valeur de marché, coûterait 4 milliards », souligne Guillaume Allègre, économiste à l’OFCE. Difficile en ces temps de rigueur budgétaire. « Sauf si on met en place une taxe payée par les utilisateurs de taxi et de VTC qui serve donc à indemniser les chauffeurs de taxi au moment de leur départ en retraite. Cela permettrait d’étaler dans le temps leur indemnisation », poursuit l’économiste.

Un durcissement des conditions d’exercice des VTC serait-il efficace ?

« On peut certes demander aux VTC une formation préalable plus importante ou en limiter le nombre, mais cela serait une aberration économique puisqu’ils répondent à un besoin des consommateurs », estime Guillaume Allègre. Un avis que partage Maurice Bernadet : « Toute solution malthusienne est une erreur. Car nous vivons dans un monde où la concurrence est exacerbée. Les règles contraires à l’économie de marché ne peuvent pas fonctionner ».

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Les taxis doivent-ils changer leur manière de travailler ?

C’est inévitable selon Yves Crozet : « ils doivent baisser leurs prix. Et en échange, les municipalités doivent leur ouvrir plus de voies réservées où les clients puissent les attendre ».

Un rapprochement du statut des taxis et des VTC serait-il une bonne solution ?

« Oui, il faut revoir le cadre légal des VTC et des taxis pour faire en sorte qu’ils soient homogènes. En octroyant aux taxis une licence gratuite et non transférable », affirme Guillaume Allègre. Même son de cloche chez Maurice Bernadet : « Il n’y a pas de raison qu’il y ait deux professions distinctes qui exercent pourtant le même type d’activité ».