En un an d'embargo russe, la filière agricole française a sérieusement souffert
•La filière agricole française a sérieusement pâti de l'embargo russe, décrété il y a un an, car même si la Russie n'était pas un gros client de la France, l'effet domino de report de marché a eu un fort impact sur les prix.© 2015 AFP
La filière agricole française a sérieusement pâti de l'embargo russe, décrété il y a un an, car même si la Russie n'était pas un gros client de la France, l'effet domino de report de marché a eu un fort impact sur les prix.
Le 7 août 2014, en représailles à des sanctions économiques et sur fond de crise ukrainienne, la Russie a déclaré un embargo sur les produits alimentaires en provenance de l'Union européenne, des États-Unis, de l'Australie, du Canada et de la Norvège.
Parmi les produits concernés, seuls certains touchent significativement les exportations françaises: le porc, le fromage, le lait, ainsi que les fruits et légumes.
De fait, durant les 5 premiers mois de l'année 2015, les exportations de produits transformés à base de viande ont reculé de 73% sur un an (passant de 19,7 à 5 millions d'euros), et celles de produits laitiers ont reculé de 78% (passant de 37 à 8 millions), selon les douanes françaises.
L'embargo russe a aussi limité les capacités à exporter d'autres pays européens, et «donc à écouler une partie de leur production qui s'est retrouvée sur le marché européen ou national, et a perturbé le marché», rappelle le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll.
«La France a été relativement peu touchée en direct, mais par contrecoup», le report des exportations des autres gros producteurs laitiers européens comme l'Allemagne, la Hollande ou la Finlande «a fait plonger les cours du beurre et de la poudre de 30%», contribuant à la crise actuelle de l'élevage français, estime Gérard Calbrix, directeur des affaires économiques à l'Atla, association française de la transformation laitière.
De plus, le courant d'exportation a été coupé du jour au lendemain sur un marché mondial du lait qui était déjà en surproduction, «et on n'a pas retrouvé de marché de remplacement» pour les fromages, poursuit-il.
- maintenir le contact -
Pour le porc, «on a estimé que l'embargo coûte 20 centimes du kilo aux éleveurs français», car l'embargo a causé «un embourbement du marché européen qui a fait baisser les prix», raconte également le président de la fédération porcine (FNP), Paul Auffray.
«Le débouché russe était d'autant plus intéressant qu'il permettait de vendre des abats et autres pièces grasses», qui n'intéressent pas forcément les autres marchés, explique-t-il.
«Certaines de ces pièces ont été ré-aiguillées vers l'Asie et notamment la Chine», mais pas dans les mêmes conditions car «quand on est dos au mur les nouvelles destinations vous les trouvez à un prix inférieur».
Pour le secteur des fruits et légumes la catastrophe attendue n'a pas eu lieu, selon des spécialistes du secteur, même si certaines régions de production de pommes et de poires comme le Limousin ont tout de même été plus touchées.
Ce qui a fait la différence, selon le président de la fédération des producteurs de fruits (FNPF), Luc Barbier, c'est que la plupart des enseignes de la grande distribution «ont vraiment joué le jeu de la production française».
«Ce travail a permis, notamment sur la pomme, à ce qu'on n'ait pas d'importations de produits étrangers. On a mieux vendu que nos collègues européens», au niveau des volumes, «mais ça ne s'est pas traduit sur les prix car il manquait 20 centimes par rapport à une année normale», dit-il.
M. Barbier indique cependant qu'il va falloir maintenir la pression alors que l'embargo a été reconduit pour un an.
Pour Gérard Calbrix, au delà de l'embargo, les perspectives ne sont pas prêtes de s'éclaicir pour le lait français comme européen sur le marché russe car «les autorités russes utilisent l'embargo pour développer leur secteur laitier, nous sommes persuadés que le marché ne rouvrira jamais».
«Nous maintenons les contacts pour que les clients se souviennent de nous» quand l'embargo s'arrêtera, dit pour sa part Eric Guasch, président de l'Association France-Russie pour l'agroalimentaire, qui confirme que la Russie mène actuellement «un gros programme de soutien à la production agricole et animale» mais assure qu'ils resteront cependant importateurs pour de nombreux produits.