Le débat fait rage après que la France s'est engagée à accueillir 24.000 migrants de plus sur deux ans. Certains y voient un danger, d’autres une chance pour l’économie française.

  • Une poignée de migrants

Le France reçoit autour de 200.000 migrants par an, 12.000 migrants en plus ne changeront pas la donne. D’autant qu’il s’agit de familles, donc ils ne vont pas tous chercher du travail. Mais il est probable que l’afflux va se renforcer dans les prochains mois.

  • L’immigration fait-elle augmenter le chômage ?

Le Front national aime à confondre immigrés et chômeurs. Selon l’Insee, en 2010, le taux de chômage des immigrés hors UE était de 20 %, contre 9 % pour celui des non-immigrés. « Il y a une période de chômage incompressible pour apprendre la langue, repasser des diplômes », souligne l’économiste Gilles Saint-Paul. Mais pour Xavier Chojnicki, auteur de On entend dire que l’immigration coûte cher à la France : « des études montrent que l’immigration a un impact limité sur le marché de l’emploi. La légère hausse du chômage tend à disparaître entre quelques mois et deux ans. »

  • Les immigrés prennent-ils les emplois des Français ?

Autre intox du FN : les immigrés « volent » les emplois des Français. « Les immigrés qui arrivent en France sont dans leur majorité peu qualifiés, ils entrent donc dans une relation de complémentarité plutôt que de substituabilité avec les autochtones, souligne Xavier Chojnicki. Avec une forte concentration des immigrés dans l’hôtellerie-restauration, l’intérim, la sécurité et le nettoyage. Autre caractéristique : ils sont plus mobiles, et donc comblent les emplois non pourvus. « Une étude sur l’Europe entre 1996 et 2010 prouve que ces migrants poussent les locaux à prendre des emplois plus qualifiés souvent dans la même entreprise », souligne Thibault Gajdos, économiste au CNRS.

  • Quid des plus diplômés ?

Les 24.000 réfugiés syriens qui arrivent appartiennent à la classe moyenne. Rien de nouveau, rappelle Lise Saron, de la Cimade, association de solidarité avec les migrants. « Les personnes qui quittent leur pays ne sont pas les plus pauvres car le parcours, souvent long, coûte cher. Mais ils vivent souvent un déclassement social. » Ainsi, une majorité de migrants occupent des emplois en dessous de leurs qualifications. Pour des raisons de non-reconnaissance de leurs diplômes, d’apprentissage de la langue, mais surtout par manque de papiers d’identité. « La Cimade a ainsi suivi une Albanaise dentiste qui a fait des ménages pendant dix ans », raconte Lise Saron.

  • Bénéficient-ils de davantage de prestations sociales ?

« Ces populations reçoivent davantage d’aides aux chômeurs et familles, mais en contrepartie, cette population plus jeune que les autochtones, pèse moins pour les caisses de retraite et de santé, les plus coûteuses pour l’Etat », reprend Xavier Chojnicki. Une étude sur l’impact de l’immigration à l’horizon 2050 montrait que si le solde migratoire (aujourd’hui de 100.000 personnes) baissait à 0, le déficit de la France augmenterait d’1,5 %.

  • Est-ce que la France a intérêt à ouvrir davantage ses frontières ?

Quatre particularités par rapport à ses voisins européens nuancent la réponse. Le vieillissement de la population est nettement moins marqué qu’en Allemagne. La France ne devrait donc pas être touchée par une pénurie de main-d’œuvre. Et avec un taux de chômage à 10,5 %, l’économie française a plus de mal à intégrer de nouveaux arrivants, qu’ils soient jeunes Français ou venus d’ailleurs. Pour l’économiste Gilles Saint-Paul « en France, avec un marché du travail rigide (coût de licenciement élevé, salaire négocié par branche et plancher du smic), l’entrée des migrants prend plus de temps qu’en Allemagne. » Enfin, la France s’avère peu attractive pour les plus diplômés, qui s’insèrent plus facilement. « On est en concurrence avec la Grande-Bretagne ou la Suède, où les différences salariales plus importantes séduisent les plus qualifiés », assure Gilles Saint-Paul.

  • Les conditions pour mieux absorber ces travailleurs

« Au-delà de notre devoir moral, il faut s’assurer que l’Etat donne une situation stable juridiquement à ces migrants pour qu’ils puissent chercher du travail rapidement, plaide Thibault Lanxade, vice-président du Medef. Pôle emploi, le Medef et l’Etat doivent identifier les compétences de ces personnes et les flécher vers des entreprises désireuses de les accueillir. » Thibault Gadjos ajoute comme condition un changement de mentalité en France : « Il faut réfléchir sur l’école, l’urbanisme pour éviter de produire du Calais. » Et l’économiste de conclure : « L’impact sur notre économie de ces migrants dépend aussi de nous et pas seulement de la conjoncture économique. »