Quand les start-up françaises débarquent à San Francisco
INNOVATION•La seconde édition du programme d’accélération Ubi i/o conçu par Business France en partenariat avec BpiFrance touche à sa fin. Sur place, les huit startupers dressent un premier bilan…De notre envoyé spécial à San Francisco, Romain Lescurieux
«La première fois que j’ai pitché [résumé un projet] devant des investisseurs américains, je me suis fait massacrer », lance Philippe Laval, fondateur de la start-up parisienne Evercontact. Ses camarades rigolent puis acquiescent. En fait, tous ont connu cette situation. Ce lundi, à San Francisco, les fondateurs des huit start-up sélectionnées – sur une centaine de candidatures - pour le programme d’accélération Ubi i/o conçu par Business France en partenariat avec BpiFrance, font le point. Et ce, à quelques jours de la fin de cette aventure.
Partis il y a près de dix semaines pour se frotter au marché américain, ils ont vécu un véritable stage commando de l’entreprenariat. Préparation d’un pitch de trente secondes, coaching, ateliers de recrutement, rendez-vous clients, peu de sommeil et beaucoup d’Anglais… tout est mis en place pour se lancer à la conquête de l’Ouest. « Nous les aidons à faire en dix semaines ce qu’elles feraient en temps normal en dix mois » affirme Stéphane Alisse, qui dirige les activités high-tech de Business France en Amérique du Nord.
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« La raison principale de l’échec ici, c’est de ne rien changer à son produit »
C’est la deuxième année consécutive qu’un tel débarquement de frenchies s’opère dans la Valley. Des fondateurs de start-up venus de Paris, Montpellier ou encore Grenoble, qui compte entre 5 et 25 salariés et qui profitent de cette étape clef dans leur développement pour ajuster leur stratégie. Voire même changer de cap. « La raison principale de l’échec ici, c’est de ne rien changer à son produit », expose Jacques Cazin, fondateur d’Adways, plateforme de vidéos interactives. Lui a notamment fait évoluer son volet marketing. Et surtout, tous acquièrent les codes du business à la sauce USA.
« Nous apprenons à raconter des histoires », note Philippe Laval. Et ça paye. S’il se souvient de son « massacre », il a tout de même remporté quelques semaines plus tard après cette mésaventure le World Cup Tech Challenge (coupe du monde des start-up récompensant les meilleures innovations) dans la catégorie entreprise. De quoi faire la fierté de ce groupe dont six start-up sur huit ont déjà levé des fonds.
Un pied en France, un pied dans la Valley
« Certes nous avons beaucoup de choses à apprendre du marketing aux Etats-Unis. Mais pas spécialement sur la partie technique qui est bonne en France », affirme Stéphane Saad de Pradéo, qui édite des solutions de sécurité pour les applications mobiles. « On ne fait pas cocorico mais c’est vrai que nous avons une crédibilité ici », ajoute de son côté Olivier Creiche de Blackfire, éditeur de logiciels. Une « french touch » basée sur l’entraide et des performances permises aussi par un investissement personnel et financier. Coût du déplacement (du fait de ne pas être à son poste) : 30.000 euros en moyenne, selon eux. Mais le jeu en vaudrait la chandelle.
« San Francisco est le centre de gravité de leur développement internationale. Ce n’est pas évident, on n’est pas chez nous et on ne nous attend pas. Donc nous les aidons à générer un maximum de rendez-vous avec des clients et des investisseurs potentiels pour s’y lancer avec le plus d’efficacité possible ». Un pari qui semble d’ores et déjà tenu. Toutes ont déjà ouvert ou vont ouvrir un bureau sur place dans les semaines à venir. Sans toutefois oublier la France. Tous comptent en effet laisser leur maison mère et la R & D (Recherche et développement) dans l’hexagone. Là, où les Américains « ne savent pas ce qui bouge mais savent que ça bouge », sourit Stéphane Saad, qui rigole de son accent montpelliérain qui « s’entend même en anglais ».