TELECOMSRachat de Bouygues par SFR: Drahi, un roi du câble qui aime les coups de poker

Rachat de Bouygues par SFR: Drahi, un roi du câble qui aime les coups de poker

TELECOMSAvec son nouveau coup d’éclat, l’offre à 10 milliards d’euros pour racheter Bouygues Telecom, Patrick Drahi attire à nouveau l’attention des marchés...
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

Il impressionne certains, en agace d’autres. Avec son nouveau coup d’éclat, l’offre à 10 milliards d’euros pour racheter Bouygues Telecom, Patrick Drahi attire à nouveau l’attention des marchés, des médias… et même des politiques. Mardi, tandis que son offre alléchante sera étudiée par le conseil d’administration du groupe Bouygues le millionnaire franco-israélien sera reçu en personne par le ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, qui n’a pas caché ses réticences. Retour sur la carrière d’un self-made-man aussi discret que talentueux.

Le pari gagné du câble

Né à Casablanca de deux parents enseignants, il quitte le Maroc à 15 ans pour rejoindre Montpellier. Diplômé de Polytechnique en 1983, il poursuit un doctorat puis travaille pour le groupe Philips. C’est là qu’il décide de devenir son propre patron. Il se lance dans le câble d’abord en province, grignotant petit à petit des parts de marché… jusqu’à devenir leader en France. Puis s’installe à Genève, où il vit toujours. Avec en plus un siège social d’Altice au Luxembourg, Patrick Drahi a été critiqué pour son attrait pour les paradis fiscaux. Dur en affaires, certains le décrivent comme arrogant, d’autres comme visionnaire. « C’est un intuitif rationnel, résume un proche de l’industriel. Quand il parie sur le câble, personne n’y croit. Cet entrepreneur, parti de rien, a bâti son succès pour avoir aujourd’hui un groupe de 40.000 collaborateurs et 40 millions de clients. C’est un ingénieur qui connaît parfaitement les télécommunications. »

Après avoir fondé Noos, devenu Numericable, il apparaît sur le devant de la scène en mars 2014 en rachetant SFR. Et en quelques mois, le millionnaire, 3e fortune de France selon Forbes, s’est également offert le câblo-opérateur Suddenlink aux États-Unis et Portugal Telecom. Tout en devenant magnat des médias à la tête de L’Express, L’Expansion, Studio Ciné live et Libération. Toujours en faisant appel à des emprunts.

Un surendettement dangereux ?

Aujourd’hui, son endettement s’élève à 32 milliards et pourrait s’alourdir encore de10 milliards si son offre de rachat sur Bouygues Telecom est acceptée. Un surendettement qui commence à inquiéter. Au point que certains redoutent un retournement de situation comme pour Jean-Marie Messier, le patron déchu de Vivendi. « Son côté boulimique peut y faire penser, admet Olivier Lelong, syndicaliste CFDT chez SFR, qui a fait partie du giron Vivendi. Le coup de l’endettement excessif, on connaît ! Mais on ne vit pas une bulle télécom comme on a pu vivre une bulle Internet. »

Pour Antoine Géron, spécialiste en stratégie télécoms chez Polyconseil, Patrick Drahi sait parfaitement où il met les pieds. « C’est un entrepreneur qui a une excellente maîtrise des plans d’affaire. Ce n’est pas un coup de tête ! Il prend des risques, certes, mais avec son argent puisqu’il détient une part significative du capital de ses entreprises. S’il a trouvé des banquiers pour le suivre, c’est que son plan est mûrement réfléchi. »

« C’est une boîte familiale, c’est son argent qu’il investit »

Dans son entourage, on préfère la comparaison avec le roi du câble américain John Malone. « C’est une entreprise familiale, c’est son argent qu’il investit. On le présente comme un homme pressé, mais ça fait 25 ans qu’il bâtit pièce par pièce son groupe des télécommunications. Certes, il est pragmatique, mais il est aussi très réfléchi. » Quant à son endettement colossal ? « On ne juge pas un endettement en valeur absolue mais en fonction de la rentabilité, rétorque ce bon connaisseur du groupe. Par exemple la rentabilité de SFR-Numericable a augmenté de 21 % depuis qu’Altice l’a racheté. Et tous les analystes estiment que l’endettement d’Altice est raisonnable »