Prélèvement fiscal à la source: L’Etat va-t-il faire des économies?
Fiscalité•Au bout du compte, la retenue à la source pourrait engendrer de nouveaux coûts pour le fisc et les tiers payeurs…Laure Cometti
En 2014, le fisc a envoyé 360 millions de courriers aux contribuables. La retenue à la source va-t-elle permettre à l’État de faire des économies de gestion ? Le chantier fiscal, lancé mercredi par le gouvernement, est la « première étape d’une modernisation de notre imposition », avait affirmé le premier ministre Manuel Valls lors du congrès du Parti socialiste, le 6 juin dernier. Mais qui dit modernisation ne dit pas forcément optimisation des coûts.
La dématérialisation a déjà permis de réduire les dépenses du fisc
Le paiement de l’impôt sur le revenu est déjà largement automatisé. Depuis plusieurs années, le fisc encourage les contribuables à opter pour la déclaration et le paiement en ligne. En 2014, les « télédéclarants » étaient 13 millions, ce qui représente un tiers des foyers fiscaux. Moins de frais d’envois postaux, d’encaissement manuel de l’impôt et de traitement de chèques : ce plan de dématérialisation a permis de réduire le budget annuel de la Direction générale des finances publiques (Dgfip), passé de 8,45 millions d’euros en 2011 à 8,36 millions d’euros en 2015.
10.000 emplois en moins selon Terra nova, à peine 200 selon le CPO
L’administration de l’impôt sur le revenu pour 2013 est évaluée à environ 1,7 milliard d’euros par Terra nova, soit près de 25.000 personnes (équivalents temps pleins). En mettant en place la retenue à la source, le fisc pourrait économiser environ 10.000 emplois selon le think tank de gauche.
Un bilan nettement plus optimiste que celui du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), rattaché à la Cour des comptes. Selon un rapport paru le 4 février 2015, « l’économie de gestion qui pourrait résulter de la retenue à la source de l’impôt sur le revenu apparaît faible : moins de 200 équivalents temps plein et une économie totale annuelle d’environ 12 millions d’euros ». Pas de quoi sauter de joie, d’autant plus que la retenue à la source va générer de charges supplémentaires pour l’administration fiscale et pour les employeurs chargés de prélever l’impôt. Le rapport du CPO estime que la généralisation de dématérialisation serait plus économique pour le fisc.
Une usine à gaz ?
En effet, la mise en place de la retenue à la source ne va probablement pas simplifier le système. Elle ne mettra pas fin au rituel de la déclaration annuelle, qui « restera nécessaire car l’administration ne peut pas connaître tous les éléments de la situation fiscale des contribuables (modifications de composition du foyer, travaux réalisés déductibles des revenus locatifs ou les dépenses ouvrant droit à des avantages fiscaux) », affirme le gouvernement. Le fisc devra ensuite ajuster la situation du contribuable, soit en lui remboursant une partie de l’impôt payé au cours de l’année, soit en exigeant un supplément.
En outre, la retenue à la source engendre une nouvelle mission pour le fisc, celle du contrôle du versement à l’État de l’impôt collecté par les tiers payeurs*. Un travail titanesque qui rend cette réforme « irréaliste » selon l’avocat fiscaliste Dominique Laurant. Le syndicat Solidaires Finances publiques, fermement opposé au projet, estime que le prélèvement à la source « ne générerait pas de gains de productivité », bien au contraire.
Seul « espoir » de renflouer les caisses du fisc, la phobie administrative de certains contribuables. En Allemagne, où l’impôt est prélevé à la source, beaucoup de contribuables renoncent à faire leur déclaration annuelle. Selon l’AFP, certains conseillers en patrimoine assurent que les sommes non réclamées représentent chaque année plusieurs milliards d’euros.
* Rappelons que la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) coûterait chaque année 10 milliards d’euros à l’Etat.