INTERVIEW«Les patrons étrangers ayant une mauvaise image de la France sont ceux qui n'y sont pas installés»

«Les patrons étrangers ayant une mauvaise image de la France sont ceux qui n'y sont pas installés»

INTERVIEWUn dirigeant nous explique pourquoi son groupe américain investit en France...
Céline Boff

Propos recueillis par Céline Boff

Pas attractive, la France? L’an dernier, elle a attiré plus d’investissements étrangers que jamais, révèle le Baromètre 2015 d’E&Y, publié ce mercredi. Qu’est-ce qui séduit les groupes étrangers? 20 Minutes a posé la question à Thierry Merlot, directeur général du groupe américain Hexcel pour l’Europe, l’Asie, le Moyen-Orient et l’Afrique.

Depuis quand le groupe Hexcel est-il implanté en France?

Depuis le début des années 1980, à travers le rachat successif de plusieurs sociétés rhônalpines. Hexcel est spécialisé dans la fibre de carbone et les matériaux composites et la région Rhône-Alpes a un savoir-faire historique dans le tissage des fibres techniques. Hexcel s’est installé en France pour cette raison mais aussi pour se rapprocher de ses clients, qui sont à 85% issus de l’aéronautique, et qui sont donc souvent français.

Vous venez de lancer la construction d’une nouvelle usine en France. Pourquoi avoir choisi l’Hexagone?

La France était en concurrence avec 27 autres pays, mais surtout avec le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Le site de Roussillon (Isère) l’a emporté pour plusieurs raisons. D’abord parce que nous sommes plus près de nos clients. Ensuite, parce que ce site bénéficie d’excellentes infrastructures. Nous pouvons notamment nous installer sur une plateforme chimique, donc mutualiser nos investissements avec les sociétés déjà présentes, ce qui minimise le coût de cette implantation. Le fait que l’énergie soit peu onéreuse en France et que Rhône-Alpes est un bassin d’emplois très qualifiés dans la chimie ont également joué.

Le coût du travail ne vous a-t-il pas dissuadé de réaliser cet investissement?

S’il est effectivement conséquent, il n’a pas été discriminatoire pour ce projet-là. Ce type d’installation est avant tout très gourmand en capital et le fait de pouvoir rejoindre la plateforme chimique nous a épargnés certains investissements en matière de production de vapeur et de traitement d’eau, par exemple. Ensuite, il est très gourmand en énergie et que l’on aime ou pas le nucléaire, ce mode de production permet de limiter fortement les coûts.

Et les 35 heures, sont-elles un problème?

Elles ne l’ont jamais été. Nous avons seulement dû organiser le travail pour que nos lignes puissent tourner 24 heures sur 24, 365 jours par an. Mais cela contribue à alourdir le coût du travail français.

Quels sont les points forts de la France?

Son vivier de talents, ses écoles et ses universités de premier rang. Sa capacité d’innovation –elle reste l’un des leaders mondiaux dans ce domaine- et son support très important de la recherche. Et l’énergie compétitive, comme je l’ai déjà dit.

Et ses points faibles?

Tout dépend des sujets et des pays avec lesquels nous nous comparons. En matière de fiscalité par exemple, l’impôt sur les sociétés en France est bien supérieur à celui du Royaume-Uni, mais il est légèrement inférieur à celui des Etats-Unis. Le vrai problème, c’est la flexibilité du travail. Nous aimerions pouvoir ajuster en France plus facilement les effectifs à la demande. Nous le faisons en recrutant, aux côtés des salariés en CDI, des personnes en intérim, mais cela accroît encore plus le coût du travail français.

Quelle image les responsables américains d’Hexcel ont-ils de la France?

Une très bonne image! Elle représente 30% du chiffre d’affaires du groupe, elle réalise de très bons résultats financiers, elle n’a jamais enregistré le moindre jour de grève. Les dirigeants étrangers qui ont une mauvaise image de la France sont ceux qui n’y sont pas installés.