Altice, une expansion tous azimuts financée par la dette

Altice, une expansion tous azimuts financée par la dette

Le rachat par Altice du groupe américain Suddenlink mercredi ...
© 2015 AFP

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Le rachat par Altice du groupe américain Suddenlink mercredi vient s'ajouter à une longue liste d'acquisitions pour le groupe français de Patrick Drahi, une stratégie d'expansion tous azimuts facilitée par les taux d'intérêt bas et la confiance des investisseurs, selon des analystes.

Le magnat franco-israélien des télécoms et des médias a mis un pied sur le continent américain mercredi avec l'annonce du rachat de 70% du septième câblo-opérateur américain, damant ainsi le pion à son concurrent d'Iliad, Xavier Niel, dont l'offre de rachat de l'opérateur T-Mobile US avait été rejetée en 2014.

La transaction sera financée à hauteur de 6,7 milliards de dollars par de la dette, nouvelle et existante, de Suddenlink, un prêt de 500 millions de dollars accordé par les deux fonds qui cèdent leurs parts et 1,2 milliard de dollars en cash.

Cette opération creuse l'endettement déjà considérable du groupe Altice, maison mère de SFR-Numéricable, qui devrait atteindre après l'opération une dette nette de 33,4 milliards de dollars, selon une note d'analyse de RBC Capital markets, soit 5,5 fois son résultat brut d'exploitation (ou Ebitda). Par comparaison, Altice affiche une capitalisation 32 milliards d'euros.

Le groupe estime pouvoir réduire rapidement son endettement et qu'un niveau de 5 fois son Ebitda est raisonnable par rapport à ses pairs aux Etats-Unis.

Au-delà de taux d'intérêts très bas, Altice mise sur une progression "très importante" de son résultat opérationnel en Europe "pour créer des capacités d'endettement", nouvelles s'il le faut, a souligné son directeur financier Dennis Okhuijsen.

"Cela ne fait aucun doute que leur niveau d'endettement est élevé, c'est une stratégie risquée", a commenté Robert Jaeger, analyste télécommunications à la Société Générale.

La tactique de M. Drahi "est de profiter d'un environnement de taux très bas, ce qui lui donne une marge de manoeuvre", confirme Xavier de Villepion, vendeur d'actions de HPC. "Pour l'instant, il se paye des actifs en profitant d'argent quasiment gratuit".

pour Emmanuel Carlier d'ING, "c'est incroyable, et un peu trop agressif pour beaucoup de gens. "Mais selon moi, c'est soutenable, car une grande partie de leur dette a une maturité en 2020".

Cette opération fait suite à une cascade d'acquisitions pour le groupe de M. Drahi, maison mère de l'opérateur Numéricable-SFR.

Il a déboursé 7,4 milliards d'euros pour l'acquisition des actifs de Portugal Telecom en décembre 2014, après avoir absorbé SFR pour 13,36 milliards d'euros, dont il a racheté au printemps un nouveau bloc de 20% à Vivendi pour environ 3,9 milliards d'euros.

Le groupe a aussi racheté l'année dernière le premier opérateur sans réseau propre en France, Virgin Mobile, et avalé la filiale d'Orange en République dominicaine. M. Drahi serait aussi intéressé par Time Warner Cable.

- Une stratégie pas sans risques -

M. Drahi, qui a fait l'Ecole Polytechnique où il s'est spécialisé dans les télécoms, est passé par Liberty Global, le groupe du magnat américain du câble John Malone, auprès de qui il avait mené une politique d'acquisitions boulimique en Europe.

Sa holding d'investissement Altice est bien connue des milieux financiers par les roadshows (présentations aux investisseurs) réguliers qu'elle réalise, et M. Drahi est épaulé par son directeur général Dexter Goei, qui a une expérience de 15 ans dans la banque d'investissement.

Altice avait ainsi rencontré une très forte demande sur le marché obligataire et levé 12 milliards d'euros en avril 2014 pour financer son rachat de SFR, et avait de nouveau levé près d'un milliard en juin de la même année à travers une augmentation de capital.

Le succès d'Altice sur les marchés s'explique aussi actuellement parce que leurs titres "payent très bien", selon M. Carlier. "Et dans l'environnement actuel, c'est difficile à trouver".

Mais cette stratégie d'acquisition active n'est pas sans risques.

"Beaucoup de choses pourraient changer et ralentir leurs opérations, mais jusqu'ici ils ont fait plutôt du bon travail en terme opérationnel, c'est pourquoi le marché leur donne le bénéfice du doute et tolère ce ratio d'endettement", a souligné M. Jaeger.

Les agences de notation Standard & Poor's et Moody's ont attribué au groupe les notes B+ et Ba3, qui appartiennent à la catégorie spéculative, c'est-à-dire risquée, et devraient se prononcer prochainement sur l'impact de cette nouvelle acquisition.

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