Pouvoir d'achat: La hausse est-elle durable?
CONSOMMATION•Selon l'Insee, l'indicateur est redevenu positif en 2014 pour la première fois depuis trois ans...Oihana Gabriel
«Un cocktail plutôt favorable.» Voilà comment Philippe Moati, professeur d’économie à l’université Paris-Diderot Paris-VII et cofondateur de l’Observatoire société et consommation (Obsoco) résume les derniers chiffres de l’Insee concernant le pouvoir d’achat. Pour la première fois depuis trois ans, cet indicateur est à la hausse: autour de 0,5% sur les trois premiers trimestres. Si les chiffres sur un an ne sont pas encore définitifs, le pouvoir d’achat pourrait dépasser 1%, pronostique Philippe Moati.
Cette bonne nouvelle s'explique par quatre phénomènes. D’abord par la baisse du prix du pétrole, qui a allégé la facture des ménages. Ensuite, parce que les salaires continuent d’augmenter: +1,4% sur un an. Cet effet étant conjugué à une inflation nulle, le portefeuille des Français s’en trouve mieux garni. Enfin, quatrième donnée de taille: «La pression fiscale a augmenté moins vite en 2014 qu’en 2013, souligne Philippe Moati. Ces dernières années, on avait une mauvaise conjoncture qui s’ajoutait à une pression fiscale croissante.»
Une légère embellie portée par la baisse de l’inflation…
Une embellie toute relative. D’abord parce que 1% de pouvoir d’achat en plus, c’est encore loin des 2% observés entre 1998 et 2007. Par ailleurs, «il faudra attendre des données plus précises pour vérifier si cette hausse profite à tous ou si les inégalités se perpétuent, nuance Philippe Moati. En 2012, l’évolution du pouvoir d’achat avait été peu favorable pour les 10% les plus pauvres. Mais depuis, on assiste à une inversion: avec ce gouvernement, le pouvoir d’achat baisse plus rapidement pour les plus riches que pour l’ensemble des ménages.»
Cinq bonnes nouvelles qui peuvent faire croire à la reprise
Ensuite, pas sûr que cette légère embellie soit durable. «On a eu un coup de pouce qui s’achève, reprend l’économiste. D’abord parce que le prix du pétrole va certainement repartir à la hausse. En effet, on le paie en dollars or la baisse de l’euro par rapport à la monnaie américaine va forcément faire grimper le prix du litre.» En février déjà, le prix du pétrole commençait à frémir. «Ensuite, la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) qui vise à relancer l’inflation va sans doute porter ses fruits, ce qui devrait amputer le pouvoir d'achat. Et c’est salutaire car, même si à court terme, on est content de voir les prix baisser, la déflation est dangereuse.» Enfin, rien ne dit que les salaires, en temps de chômage massif, vont continuer à augmenter en 2015.
…Qui peut devenir durable si la croissance revient
A l’inverse deux phénomènes encouragent cette hausse du pouvoir d’achat. «Cette embellie, portée par la croissance et une moindre pression fiscale serait plus durable», assure Philippe Moati. En effet, le gouvernement a promis que les impôts n’augmenteraient plus. Et la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu va redonner des marges de manœuvre aux ménages les moins bien payés.
«Aujourd’hui, on ne retrouve pas une augmentation de la consommation à la hauteur de celle du pouvoir d’achat. Car les Français ont profité de ce coup de pouce pour épargner. Ils ont absorbé le choc fiscal en réduisant leur épargne en 2012 alors que nos enquêtes à l’Obsoco révèlent l’inquiétude pour l’avenir et le désir d’économiser. Mais si le pouvoir d’achat continue de croître en 2015, étant donné que le taux d’épargne est déjà élevé (15,8% au 3e trimestre), il devrait stimuler la consommation… et donc la croissance.» Dont les prévisions ont été revues à la hausse: 1,1% en 2015 et 1,7% en 2016. Encore une raison d'espérer que le pouvoir d’achat va continuer de grimper.