Et si la Grèce sortait de l'euro?
EUROPE•Les ministres des Finances de la zone euro se réunissent ce vendredi à 15h pour discuter une ultime fois du sauvetage financier de l'Etat hellénique...Céline Boff
Et si la Grèce sortait de la monnaie unique? Alors que les ministres des Finances de la zone euro se retrouvent ce vendredi à 15h pour une réunion de la dernière chance, la question semble se poser. Jusqu’il y a peu, cette éventualité faisait presque sourire. «C’est techniquement trop difficile», répondaient les juristes. «Ce serait un suicide collectif», balayaient les économistes. «Cette sortie signerait la fin du rêve européen», arguaient les politiques.
Sauf que voilà, l’impossible n’a jamais été aussi près de se produire. Même en 2012, quand le «Grexit», comprenez la sortie de la Grèce de la zone euro, revenait régulièrement occuper le haut de l’actualité. La différence est qu'à cette époque, tout le monde ou presque paniquait à cette idée. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, comme en témoignent certaines déclarations.
Celle de Maris Lauri, d’abord. La ministre des Finances de l’Estonie a carrément déclaré qu’un Grexit aurait un faible impact sur la zone euro, «plus stable et plus forte qu’il y a cinq ans». Celle de Maria Luis Albuquerque, ensuite. Pour la ministre des Finances du Portugal, c’est clair, aucun cadeau ne sera fait à Athènes, qui a donc intérêt à accepter toutes les conditions de ses partenaires pour conserver la monnaie unique.
Coup de poker ou pas?
Même son de cloche en Slovaquie, où le Premier ministre Robert Fico dit accueillir avec «calme» un éventuel Grexit. Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, a même avoué à quelques journalistes qu’il était «très inquiet» de la suite des discussions…
D’autant plus que l’Allemagne se montre vraiment inflexible. Les concessions présentées par Athènes jeudi ne l’ont pas du tout convaincue. Si la proposition grecque, qui va être examinée cet après-midi à Bruxelles, semble effectivement suffisamment floue pour permettre plusieurs interprétations, elle comporte tout de même de vraies concessions.
D’abord, la Grèce accepte la prolongation de son programme d’aide, ce qu’elle refusait encore en début de semaine. Ensuite, elle admet de se faire superviser par la troïka, comprenez l’UE, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI).
Mais pour Berlin, c’est insuffisant: la Grèce doit accepter toutes les conditions fixées par ses partenaires ou aller se faire voir ailleurs… S’agit-il d’un coup de poker ou d’une volonté de bouter l’Etat hellénique hors de l’UE? Selon un scénario évoqué par l'Institut Jacques Delors et ouvertement discuté en Allemagne, la zone euro et la BCE auraient les moyens de forcer la sortie de la Grèce en restreignant les possibilités de refinancement de ses banques, contraignant ainsi Athènes à introduire une monnaie parallèle.
Eviter à tout prix une sortie «par accident»
Les Etats européens auraient toutefois beaucoup à y perdre… En fait, tout l’argent qu’ils ont prêté à la Grèce. Sauf si ce Grexit n’est que temporaire, comme l’imagine Valéry Giscard d’Estaing. Pour l’ancien président, la Grèce ne peut pas s’en sortir avec un euro aussi fort et elle a donc tout intérêt à récupérer sa propre monnaie pour pouvoir la dévaluer, quitte à revenir plus tard dans la zone euro.
Ce qu’il faut en revanche éviter à tout prix, c’est une sortie de la Grèce «par accident». Si le gouvernement grec se retrouve «sans support financier à partir du 28 février, cela pourrait décourager les investisseurs et inciter les déposants à retirer leurs capitaux des banques. Ce mouvement de panique pourrait alors signer la sortie de la Grèce de la zone euro», détaille Frédéric Rollin, conseiller en stratégie d'investissement chez Pictet Asset Management.
Et c’est bien ce qui pourrait se produire si l’Eurogroupe ne trouve pas une solution ce vendredi. Un grand chapitre de l’avenir de l’Europe va donc peut-être s’écrire cet après-midi.