TENDANCEMode: Comment Primark a conquis le marché français

Mode: Comment Primark a conquis le marché français

TENDANCESix mois après l’ouverture de son premier magasin français, l’enseigne irlandaise discount talonne déjà la Redoute en volumes de vente. Décryptage…
Claire Planchard

Claire Planchard

Une offensive éclair et une victoire écrasante. Depuis l’ouverture du premier de ses cinq magasins français en décembre 2013, Primark a réussi l’exploit de se hisser dans le top 25 des plus grosses enseignes françaises en volume, selon une étude publiée lundi par Kantar WorldPanel. «C’est du jamais vu en France. Tant par la vitesse de croissance que par les volumes de vente: Primark affiche un panier moyen de six articles quand ses concurrents vendent au mieux entre 3 et 4 articles par visite», souligne Julie Dussaussay, responsable du département mode chez Kantar Worldpanel. Le tout sans publicité, sans égérie célèbre, ni même site de vente en ligne.

Profits en hausse de 44%

Derrière ce succès fulgurant se cache une stratégie déjà bien rodée depuis quarante-cinq ans dans toute l’Europe: avant de débarquer dans l’Hexagone, la chaîne fondée à Dublin en 1969 par Associated British Foods (qui détient aussi les thés Twinings ou les müeslis Jordans) a déjà conquis son pays natal, l’Irlande, (46 magasins) et la Grande-Bretagne (159 magasins) mais aussi les Pays-Bas (16), l’Espagne (22) ou encore l’Autriche (2 magasins).

Partout la même recette: des collections «mode» à prix bas records: 6 euros le T-shirt, 11 euros le jeans, 17 euros les bottines en France… soit en moyenne deux fois moins cher que chez le champion suédois de la mode à petit prix H&M, selon Kantar Worldpanel. Et partout le même phénomène: des hordes d’adolescents qui se ruent en magasin. Et ses profits qui grimpent en flèche: +44%, à 514 millions de livres lors du dernier exercice fiscal 2013, pour des ventes en hausse de 22%, à 4,3 milliards (plus de 5 milliards d'euros).

Discount et bouche-à-oreille

«Primark est une enseigne low-cost jusqu’au bout: la recherche du petit prix est un point clé de sa stratégie depuis l’amont jusqu’à l’absence totale de communication», observe Aude de Moussac, experte consommation et grande distribution chez Kurt Salmon. Dans son récent plan de conquête de la France, c’est la même logique qui domine: «En choisissant de se lancer sur de très grosses surfaces de type "navire amiral" et de très beaux emplacements dans de nouveaux centres commerciaux en périphérie, Primark a pu profiter du buzz autour de leur ouverture pour obtenir une notoriété plus forte que seul dans un centre-ville. Il a aussi sûrement pu bien négocier ses baux commerciaux en faisant valoir son rôle de locomotive. C’est un lancement astucieux», souligne la spécialiste.

Et en France, comme à l’étranger, c’est le bouche-à-oreille à fait le reste. Car l’autre grande force de Primark est bien là: son incroyable cote auprès des 15-24 ans qui se chargent de sa promotion notamment sur Facebook (plus de 3,1 millions de mentions «j’aime»): «Primark est hyperattractif auprès des jeunes cibles qui sont moteurs sur les réseaux sociaux: nos études révèlent que ceux qui ont déjà acheté leurs produits adorent les recommander à leurs amis», confirme la responsable du département mode chez Kantar Worldpanel. Une stratégie que Primark revendique ainsi: «Pas de campagnes publicitaires coûteuses. Nous préférons laisser nos clients parler».

Des fournisseurs sous surveillance

En avril 2013, l’effondrement au Bangladesh de l’immeuble Rana Plaza, qui abritait les fournisseurs de 27 entreprises occidentales de vêtements, dont Primark, avait mis en lumière les dérives de cette quête effrénée du plus bas coût. Depuis, l’enseigne irlandaise a annoncé le déblocage de 9 millions d’euros d’indemnité aux victimes et à leurs familles. Sur son site internet, Primark joue la transparence et défend son «éthique» mais peine à convaincre les ONG, comme en témoigne l’affaire des «fausses étiquettes» dénonçant les conditions de fabrication de ses vêtements, découvertes cet été dans un de ses magasins du Pays de Galles.