Prévisions de croissance en berne: «Le budget 2015 est un vrai casse-tête pour le gouvernement»
INTERVIEW•L’économiste Eric Heyer analyse les causes et conséquences des nouvelles prévisions économiques moroses annoncées mercredi par le gouvernement…Propos recueillis par Bertrand de Volontat
La situation française n’est pas bonne et le budget 2015 va s’en faire ressentir. Le ministre des Fiinances, Michel Sapin, a annoncé ce mercredi que les prévisions de la croissance française sont revues à la baisse, à 0,4 % en 2014 (contre 1% prévu en 2013) et à 1% en 2015 (contre 1,7%). Et que le déficit public atteindrait 4,4 % en 2014, contre 4,2% en 2013. Dans ces conditions, le retour aux 3 % exigé par Bruxelles ne sera possible que fin 2017, au lieu de 2015. Par ailleurs, le gouvernement maintient son objectif d'économies sur la dépense publique de 21 milliards d'euros en 2015 malgré la faible inflation. Comment comprendre ces nouveaux objectifs à la baisse et sous pression annoncés par le gouvernement. Décryptage avec Eric Heyer, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (Ofce).
Comment expliquer cette croissance plus faible?
La croissance mondiale va moins bien et est révisée un peu partout à la baisse, notamment dans la zone euro et les pays émergents. Avec un commerce mondial stable, il n’y a du coup pas de dynamisme possible pour la France. Tout ceci n’avait pas été anticipé il y a un an, ce qui explique cette croissance faible. Car on s’attendait à avoir plus de croissance, y compris le FMI et Bruxelles qui avaient validé les 1% de croissance pour 2014 prévus l’an passé. Mais avec 0,6 point de croissance en moins, c’est 0,3 point de déficit public en plus, en raison en plus de recettes fiscales moindres. Ça devient compliqué.
Justement Michel Sapin a également indiqué que le déficit public atteindrait 4,4% cette année contre les 3,8% prévus précédemment. C’est l’escalade?
L’objectif est à nouveau repoussé mais la Commission européenne n’a pas encore dit qu’elle était d’accord. Mais même avec 1% de croissance, le déficit augmenterait. Pour faire baisser le déficit, il faut faire plus d’efforts structurels. Or, le gouvernement avait prévu que l’effort structurel se fasse par des baisses de dépenses publiques et non par les impôts [la réduction du déficit passe par des décisions budgétaires et non fiscales, c'est-à-dire un effort financier de la part de l'Etat et non du contribuable]. Et pour cela, il faut une inflation conséquente. Or avec une inflation qui reste à un niveau faible, cela va être aussi plus dur de faire des économies.
Et pourtant, pour satisfaire Bruxelles, Michel Sapin maintient les 21 milliards d’euros d’économie. Est-ce jouable?
Le budget 2015 est un vrai casse-tête pour le gouvernement. Si Bruxelles insiste pour la baisse des déficits, le gouvernement pourrait augmenter la TVA début 2015, ce qui serait une erreur selon moi, et aller plus vite dans la réduction des dépenses. Avec le risque de sacrifier la croissance. D’autant qu’atteindre les 21 milliards d’économie me semble complexe. C e n’est pas évident surtout avec des petits coups de rabots ça et là qui enlèvent parfois même de la dépense publique utile. Nous sommes dans un piège. Vouloir atteindre l’objectif de réduction du déficit grâce à la réduction rapide des dépenses publiques peut vous faire rater les deux. Et comme le gouvernement dit qu’il ne touchera pas aux impôts…