Embargo russe sur les produits agroalimentaires: Après un mois, quel impact pour la France?
EXPORTATIONS•La filière agricole a dressé un premier bilan ce mercredi avant une réunion à Bruxelles vendredi…Bertrand de Volontat
L’agriculture française en danger? Avec l’embargo russe sur les produits alimentaires européens décrété le 6 août dernier, en représailles aux sanctions économiques prises par l’UE contre Moscou sur fond de crise ukrainienne, les agriculteurs français pouvaient craindre des centaines de millions d’euros de pertes. Un mois après et avant une réunion au sommet avec ses homologues sur le sujet à Bruxelles vendredi, le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll a convié les professionnels du secteur pour un premier bilan.
Résultat: l’effet de l’embargo ne se fait pas vraiment sentir en France, sauf sur le lait, notre pays n’étant que le 8e fournisseur alimentaire des Russes. «Les trois prochains mois seront difficiles pour un grand nombre de productions, note tout de même ce mercredi Guy Vasseur, président de l’Assemblée permanente des Chambres d’Agriculture (APCA).
Demander l’aide française et européenne
«Nos produits agricoles sont les obus du conflit ukrainien, poursuit le président. Nous sommes en droit de demander l’accompagnement politique et économique.» Car pour l’heure, les décisions peinent à arriver. Au niveau européen, une indemnisation des producteurs à hauteur de 50 % de leur récolte a été proposée. «Un premier pas», pour Guy Vasseur. Aussi, Bruxelles va proposer cette année 30 millions d'euros supplémentaires pour des programmes de promotion visant à aider le secteur agro-alimentaire affecté par l'embargo russe à trouver de nouveaux débouchés, a annoncé ce mercredi la Commission européenne. De même, une solution de stockage privée des productions a été avancée. «Car l’embargo risque de provoquer une situation d’engorgement du marché et peser sur les prix et sur les revenus des agriculteurs», soulève l’APCA dans sa note de rentrée.
D’autant que l’Ania, l’Association des industries alimentaires, rappelle qu’en 2013, les exportations françaises de produits agroalimentaires vers la Russie ont représenté 619 millions d’euros, avec plus de 500 millions d’euros d’excédent budgétaire. Une réelle manne financière. Mais tous les producteurs ne sont pas logés à la même enseigne.
Le lait grand perdant
A ce jour, les filières les plus exposées sont celles de viandes et plats à base de viande représentent 20 % des exportations agroalimentaires vers la Russie, celles de lait et poudre de lait pèsent 11 %, les céréales 10 % et les fruits et légumes 5 %, notamment le chou-fleur et brocolis, les pommes de terre et les oignons et échalotes.
Au final, c’est bien le lait qui souffre le plus. Les cours s’effondrent mais pour l’instant, le prix du lait payé à l’éleveur n’a pas bougé car il faut toujours trois mois environ pour que les variations des prix des produits laitiers transformés se fassent sentir sur celui de la matière première.
Gare au report des marchés vraiment pénalisés
Mais ce n’est pas ce qui préoccupe le plus les professionnels. Avec cet embargo, vont se tricoter de nouvelles relations commerciales, comme avec l’arrivée des produits agricoles brésiliens dans la demande russe. «De nouveaux flux qu’il faudra détricoter après la levée de l’embargo, analyse le président. Ce sont ainsi davantage des conséquences à long terme qui nous attendent avec la reconquête de ce marché».
C’est en effet davantage le report des marchés pénalisés directement comme le polonais [premier producteur mondial de pommes] ou le grec chez nous qui inquiète.» poursuit le vice-président de l’APCA, qui redoute une pression à la baisse sur les prix.
Mais des améliorations sont encore possibles: la Russie desserre un peu les cordons de l’embargo car il y a déjà des conséquences sur la demande interne. «L’embargo est évolutif, se réjouit le président de l’APCA qui note l’absence d’embargo sur le vin et spiritueux ou le recul de Moscou le 20 août sur les pois à semer, le maïs doux hybride ou les semences de pommes de terre».
Alors plus de peur que de mal? «Tout dépendra de la durée de l’embargo russe», résume Guy Vasseur. Il est pour l’instant prévu pour une durée d’un an.