MONNAIEL'euro va-t-il bientôt perdre de la valeur?

L'euro va-t-il bientôt perdre de la valeur?

MONNAIELa Banque centrale européenne (BCE) pourrait bientôt engager une action...
Céline Boff

Céline Boff

L’euro est-il trop fort? Arnaud Montebourg, le nouveau ministre de l’Economie, le clame depuis plusieurs mois déjà. Depuis son arrivée à Matignon, Manuel Valls défend également cette position.

Et voilà que la Banque centrale européenne (BCE) s’empare, elle aussi, du sujet. Samedi, son président, l’Italien Mario Draghi, a même affirmé qu’il était prêt à agir. Mais quel est vraiment le problème? 20 Minutes fait le point.

Pourquoi l’euro prend-il de la valeur?

Parce que l’Europe offre des taux d’intérêt plus hauts que ceux proposés par les Etats-Unis. Les investisseurs préfèrent donc placer leur épargne – c’est-à-dire acquérir des obligations émises par les entreprises ou par les Etats - en Europe, puisqu’elle leur rapportera plus.

«La demande de placements en euros progresse et devient plus forte que la demande de placements en dollars et du coup, l’euro s’apprécie», résume Jérôme Creel, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et professeur à ESCP Europe.

Lors de son lancement, le 4 janvier 1999, un euro valait 1,18 dollar. Il vaut désormais 1,38 dollar. C’est toutefois loin de son sommet de 1,59 dollar, atteint le 3 juillet 2008.

L’euro est-il trop fort?

Quand l’euro s’apprécie, les produits vendus par les entreprises européennes deviennent plus chers pour les acheteurs étrangers et donc, les exportations de la zone euro diminuent. A l’inverse, les produits étrangers deviennent moins chers, ce qui pousse l’Europe à importer davantage.

«La hausse de l’euro permet donc d’atténuer l’excédent commercial de la zone euro. Ce qui serait une bonne chose si nous avions une demande intérieure suffisamment forte… Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. Laisser notre monnaie s’apprécier, c’est donc freiner l’un des rares ressorts de la croissance européenne: celui des exportations», analyse Jérôme Creel.

Pourquoi la France est-elle la seule à s’en plaindre?

Parce qu’elle est dans une situation économique particulière. Pour continuer à vendre leurs produits à l’étranger, les PME et les industries françaises ont rogné sur leurs marges. C’était leur seul moyen de proposer des prix compétitifs, notamment par rapport aux entreprises allemandes, qui paient moins de cotisations sociales.

Si l’euro continue de s’apprécier, les prix des produits français deviennent mécaniquement plus chers à l’export. Pour compenser cette hausse, les entreprises françaises doivent donc baisser le coût de leurs produits… «Ce qu’elles ne peuvent plus faire, puisqu’elles n’ont quasiment plus de marges», explique Jérôme Creel.

«L’équation est également différente pour les Espagnols et les Italiens. Car l’euro cher leur permet d’importer plus de produits moins coûteux et donc de relancer leur consommation intérieure, pénalisée par la baisse des salaires».

Que peut faire la BCE?

Elle pourrait baisser les taux d’intérêt, mais cette solution paraît difficilement envisageable dans la mesure où ils sont déjà à un niveau bas. «La BCE va plutôt lancer un vaste programme d’achat d’obligations privées ou publiques pour mettre sur le marché un très fort montant de liquidités», estime Jérôme Creel. Ce qui détendra du coup le taux de change.

Le principal risque d’une telle action est de créer de l’inflation, mais d’après Jérôme Creel, il est à l’heure actuelle quasi nul, alors que «le risque de déflation est lui bien réel». La BCE doit normalement garantir un taux d’inflation de 2 %. Or, celui n’excède pas les 0,5 % aujourd’hui… «Il est urgent qu’elle intervienne», conclut Jérôme Creel, qui pense que la BCE est bel et bien en train «de préparer les marchés à cet octroi massif de liquidités».