Y a-t-il trop de centres commerciaux en région parisienne?
ECONOMIE•La France est détentrice du record européen du nombre de centres commerciaux avec 740 établissements - et ce n'est pas près de changer...20 Minutes avec AFP
Moins de deux ans après le Millenaire et So Ouest, et six mois après Aéroville et Beaugrenelle, Qwartz, nouveau centre commercial d'envergure, a ouvert mercredi près de Paris, dans un contexte de recul de la fréquentation, posant la question d'une possible saturation de l'offre.
La France, déjà détentrice du record européen du nombre de centres commerciaux avec 740 établissements, a inauguré en 2013 350.000 mètres carrés supplémentaires «soit une hausse de 37% sur un an», selon le cabinet Cushman & Wakefield. Sur les trois dernières années, Paris et sa proche banlieue ont largement participé à cette expansion, avec 327.000 m2 de nouvelles surfaces.
Or, cela intervient alors même que la fréquentation (-1,7% en 2013) et les recettes (-1,6%) de ces temples de la consommation reculent depuis plusieurs années du fait de la crise et de la concurrence d'internet. Alors comment expliquer cette course aux ouvertures dans un tel contexte ? Et ne risque-t-on pas d'arriver à saturation sur certaines zones, notamment autour de Paris?
Projets initiés avant la crise
Pour Rodolphe Bonnasse, expert consommation chez CA Com (groupe de communication spécialisé dans la distribution), la naissance quasi-simultanée de ces nouveaux centres provient d'abord du fait que «la plupart de ces projets ont été initiés il y une dizaine d'années, soit avant la crise». C'est le cas pour Beaugrenelle (10 ans de travaux) ou Qwartz (13 ans).
Par ailleurs, si Paris et sa proche banlieue semblent concentrer les faveurs des investisseurs ces derniers temps, c'est aussi parce que la zone a longtemps été sous-fournie en grands centres commerciaux. «S'ils voulaient avoir accès à Velizy, les Parisiens étaient obligés de prendre leur voiture. Quant aux centres intra-muros (Les Halles, Italie 2...), ils étaient certes plus pratiques, mais apparaissaient un peu vieillots, ce qui n'encourageait pas forcément à les fréquenter», souligne Rodolphe Bonnasse.
Enfin, s'il est vrai que les centres commerciaux dans leur ensemble subissent une certaine desaffection, «on constate que les grands centres régionaux sur-performent et enregistrent des performances correctes, avec un recul limité à moins de 1%», analyse Jean-Michel Silberstein du CNCC (conseil national des centres commerciaux).
«A terme, il va y avoir de la casse»
Malgré tout, le lancement d'un nouveau centre, plus haut de gamme, moderne, nécessitant de lourds investissements, reste un «pari risqué», estiment les deux hommes. Le retour sur investissement est souvent aléatoire et de plus en plus long. «Autrefois, un centre commercial mettait entre 3 et 5 ans à atteindre sa vitesse de croisière, mais du fait de la crise, ça prend maintenant entre 5 et 7 ans minimum», explique Jean-Michel Silberstein.
Par ailleurs la multiplication des ouvertures sur une même zone accentue la concurrence, les performances des uns se faisant souvent au détriment des autres. Et comme le souligne Rodolphe Bonnasse, fréquentation ne veut pas forcément dire achat. «S'implanter dans des zones CSP- fait courir le risque que les gens se déplacent uniquement pour flaner et pas pour acheter», remarque-t-il.
«Je pense qu'à terme, il va y avoir de la casse. La densité commerciale a ses limites», estime-t-il, n'excluant pas des fermetures, notamment sur les plus anciens. «Aujourd'hui, on ne peut plus se contenter d'empiler les mètres carrés. Si on veut attirer les clients, il faut faire davantage d'efforts qu'avant, et apporter une offre "différenciante" et spectaculaire», explique Jean-Michel Silberstein.
Au final, les deux experts s'accordent à dire que la multiplication des nouveaux centres est certes porteuse de risques, mais également d'espoir «car ils vont contribuer à renouveler l'offre, dynamiser le commerce, et donc à attirer de nouveaux clients» ce qui va bénéficier à l'ensemble du secteur.