La «loi Florange» en partie censurée, nouveau revers pour Hollande
•Le Conseil constitutionnel a censuré jeudi une importante partie ...© 2014 AFP
Le Conseil constitutionnel a censuré jeudi une importante partie de la loi dite «Florange» sur la reprise de sites rentables qui traduisait une promesse de campagne de François Hollande, nouveau revers pour l'exécutif à trois jours du second tour des municipales.
Quelque 108 sénateurs et 80 députés UMP avaient saisi les Sages après l'adoption définitive par le Parlement le 24 février de la «proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle», cosignée par des députés socialistes, écologistes et radicaux de gauche.
Le Conseil a partiellement donné raison aux parlementaires de l'opposition, en jugeant que l'obligation pour un employeur d'accepter une offre de reprise sérieuse ainsi que la compétence confiée au tribunal de commerce pour l'apprécier, avec des sanctions à la clé, constituaient une atteinte au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre.
Edouard Martin, ancien leader syndical de l'aciérie ArcelorMittal de Florange (Moselle), devenu candidat PS aux élections européennes dans l'Est, a laissé éclaté sa «colère» envers l'UMP: «En quoi ont-ils défendu l'intérêt général?»
«Nous prenons acte de la décision. Nous jugeons la censure sévère mais il y a des éléments importants qui demeurent», a réagi le ministère du Travail auprès de l'AFP.
Pour sa part, le Medef, qui avait «alerté les pouvoirs publics depuis des mois sur les dispositions inapplicables et dangereuses» du texte, s'est réjoui de la décision du Conseil constitutionnel. A l'approche de la présentation du Pacte de responsabilité, l'organisation patronale a dit espérer que «les prochains projets et propositions de loi feront preuve de plus de réalisme».
Le texte est «totalement vidé de sa substance», se sont aussi félicités dans un communiqué les sénateurs UMP. «François Hollande a fait croire à des gens qui étaient de bonne foi qu'on pourrait interdire les licenciements comme au bon vieux temps des marxistes», a asséné Jean-François Copé sur BFMTV.
Mais pour François Brottes, président (PS) de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée, «le Conseil constitutionnel a validé les deux principes fondateurs» de la loi, qui vise à lutter contre les licenciements boursiers: «l’obligation de rechercher un repreneur en cas de fermeture d’un site rentable et l’encadrement des tentatives de prise de contrôle hostiles». Ce second volet sur les OPA a été jugé conforme.
- «Nous allons reprendre le travail» -
Les auteurs de la loi s'étaient entourés de précautions pour éviter les fourches caudines des juges constitutionnels. Alors que François Hollande en campagne présidentielle sur le site ArcelorMittal en Moselle avait évoqué une «obligation» de cession, le texte se limitait à une obligation de recherche d'un repreneur.
Et concernant les sanctions --jusqu'à vingt fois la valeur mensuelle du Smic par emploi supprimé, soit plus de 28.000 euros par salarié-- à l'égard des employeurs refusant une offre sérieuse de cession ou ne respectant pas l'obligation de recherche d'un repreneur, les députés les avaient élaborées «en concertation étroite avec le Conseil d’Etat», a rappelé M. Brottes. «Nous allons reprendre le travail afin que (ce volet) soit conforme aux principes rappelés par le Conseil constitutionnel tout en gardant son caractère dissuasif», a-t-il affirmé.
Le tribunal de commerce pourra toujours intervenir, et les autorités publiques pourront demander le remboursement de tout ou partie des aides versées au cours des deux années précédentes aux entreprises qui n'auraient pas recherché de repreneur.
Saisi le 27 février, le Conseil constitutionnel avait un mois pour rendre sa décision, qui est tombée exactement au terme de ce délai et à trois jours d'un second tour des municipales périlleux pour le PS. Elle est aussi intervenue au lendemain de mauvais chiffres du chômage, alors que les questions sociales figurent au premier plan des préoccupations des Français.
Les élus UMP et UDI avaient dénoncé lors des débats à l'Assemblée un texte «d'affichage», surtout «avant les municipales».
Pour un des coauteurs de la loi, la députée chevènementiste de l'Aisne (apparentée PS) Marie-Françoise Bechtel, «il est de coutume, lorsqu’une loi sensible est censurée par le Conseil constitutionnel, de crier à la censure politique», mais elle «préfère appeler de ses voeux une réforme qui remettrait l’intérêt général au centre du jeu en ne laissant pas le dernier mot à une justice constitutionnelle qui ne représente pas le peuple souverain».