Cinq idées reçues sur le chômage
SOCIAL – «20 Minutes» confirme ou infirme les principaux clichés qui circulent sur les demandeurs d'emploi...Céline Boff
Il n’y a jamais eu autant de demandeurs d’emploi en France. Fin décembre, d’après la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), le pays en recensait 5,19 millions, dont 4,89 millions en métropole (catégories A, B et C). Alors que les partenaires sociaux se retrouvent ce jeudi pour renégocier les règles de l’assurance-chômage, 20 Minutes fait le point sur les clichés qui circulent sur le sujet.
Idée reçue n°1: «Les chômeurs sont trop indemnisés»
La France dénombre 5,19 millions de chômeurs. Parmi eux, seuls 2,73 millions sont indemnisés. Les autres –près de la moitié (48%) des demandeurs d’emploi- ne perçoivent donc pas d’allocation-chômage. Soit parce qu’ils sont en fin de droits (l’indemnisation dure deux ans et jusqu’à 36 mois pour les plus de 50 ans). Soit parce qu’ils n’ont encore jamais travaillé (jeunes diplômés). Soit parce qu’ils n’ont pas suffisamment travaillé (il faut avoir bossé quatre mois, sur les 28 mois précédant la perte de l’emploi, pour toucher des indemnités).
Parmi ces personnes, certaines peuvent recevoir le RSA, le Revenu de solidarité active, si elles sont âgées de 25 ans au moins ou si elles sont un «parent isolé». Rappelons que cette aide s’élève, en 2014, à 499,31 euros par mois. Le RSA s’accompagne d’autres prestations, comme l’allocation logement, mais comme le démontre cet article de Rue89, une famille au RSA gagnera, au final, moins d’argent qu’une famille au Smic et également moins qu’une famille au chômage.
Idée reçue n°2: «Les chômeurs ne foutent rien»
Chaque mois, sur les 2,73 millions de demandeurs d’emploi indemnisés par Pôle emploi, ils sont plus de 1,1 million à exercer une «activité réduite». C’est-à-dire à travailler pendant quelques jours ou plusieurs semaines. Ce qui représente pas moins de 40% des allocataires.
Quasi inexistante à la fin des années 1980, cette tendance des «chômeurs actifs» ne cesse de progresser et s’est encore accélérée depuis la crise de 2008. Si bien qu’aujourd’hui, comme l’explique Pierre Cavard, directeur des études et des analyses à l’Unédic, «pendant leur chômage, deux allocataires sur trois seront au final amenés à exercer des activités réduites».
Idée reçue n°3: «S’ils cherchaient vraiment un job, ils le trouveraient»
On l’a dit, la France dénombre 5,19 millions de chômeurs. Or, les études démontrent que seules 200.000 à 300.000 offres sont non pourvues. «Même si toutes ces offres trouvaient preneurs, ce qui est impossible puisqu’il ne peut exister une adéquation parfaite entre l’offre et la demande (compétences, zones géographiques, etc.), il resterait tout de même 4,89 millions de personnes au chômage», détaille l’économiste Eric Heyer. «Il n’y a tout simplement pas suffisamment de travail pour tout le monde.»
Et la situation ne va pas aller en s’améliorant. Cette année, «il y aura encore davantage de licenciements que de recrutements. Environ 20.000 postes devraient être détruits», estime Eric Heyer. Dans le même temps, 800.000 jeunes vont arriver sur le marché du travail. Certes, 680.000 seniors vont partir à la retraite, mais ces départs n’empêcheront pas la population active de s’accroître de 120.000 personnes.
Idée reçue n°4: «Les chômeurs sont des profiteurs»
Lorsqu’une personne perd son emploi et accède aux allocations-chômage, celles-ci n’atteignent pas le niveau de son ancien salaire: elles en représentent de 93% (pour ceux qui gagnaient moins de 500 euros) à 63% (pour ceux qui gagnent plus de 9.000 euros), avec une moyenne à 65%. Soit un taux équivalent à celui des autres pays européen de l’Ouest. Et à peine supérieur à celui de l’OCDE (62%).
Pour Bruno Coquet, de l’Institut de l’entreprise, il faudrait instituer un taux unique pour tous les chômeurs, de l’ordre de 65%: «D’après la littérature économique, c’est le niveau optimal pour stabiliser la consommation sans décourager la reprise de l’emploi». Pour d’autres au contraire, il faudrait accroître la dégressivité en fonction du salaire et surtout réduire le plafond des allocations, qui est en France le plus haut d’Europe, à 6.270 euros par mois.
Le système est-il trop généreux? Incite-t-il les chômeurs à rester oisifs? S’il est difficile de répondre à ces questions, le psychiatre Michel Debout a démontré qu’en trois ans, de la fin 2008 à la fin 2011, la crise économique a généré en France, et notamment parmi les chômeurs, 750 suicides et 10.780 tentatives de suicide supplémentaires.
Idée reçue n°5: «Toucher le chômage, c’est trop facile»
C’est en tout cas plus facile en France qu’ailleurs. Il suffit en effet d’avoir travaillé quatre mois, sur les 28 mois précédant la perte de l’emploi, pour toucher des indemnités. Soit les conditions les plus souples d’Europe, comme le soulignait la Cour des comptes début 2013.