Fin de la distribution du courrier à domicile: La France peut-elle suivre l'exemple canadien?
SOCIAL•Le remplacement progressif du porte-à-porte par des «boîtes postales communautaires» annoncé au Canada inquiète en France alors que La Poste vient de présenter un plan stratégique pour faire face à la chute de son activité courrier...Claire Planchard
Les jours du «service postal universel» sont-ils comptés en France ? C’est ce que craignent nombre d’usagers et de de salariés de la Poste au lendemain de la présentation jeudi du budget prévisionnel 2014 du groupe.
Pression financière
Face à un recul de 6% des courriers échangés en 2013 et de 5,5% attendus en 2014, la direction estime en effet que «pour la première fois, l'activité Courrier ne couvrira plus les coûts du service universel postal», comme la levée et la distribution à domicile au moins une fois par jour ouvrable.
Pour stopper les pertes, le groupe préconise une montée en charge des activités numériques, le développement des nouvelles activités des facteurs, ou encore la restriction des investissements «en matière immobilière et de véhicules». Avant d’aller plus loin, comme au Canada qui vient d’annoncer la généralisation de la livraison du courrier dans des boites collectives ?
Contactée par 20 Minutes, la direction de la Poste balaie toute inquiétude : «Une levée et une distribution 6 jours sur 7 sur l’ensemble du territoire national fait partie de nos obligations de service public gravées dans le marbre de la loi de 2010 qui a modifié le statut de entreprise. Ainsi, pour que ce principe soit remis en cause, il faudrait que la loi soit modifiée par le législateur», souligne une porte parole. Une hypothèse peu probable dans l’immédiat, surtout à l’approche d’élections municipales. Mais tout à fait plausible à moyen terme.
Cette fameuse loi postale du 9 février 2010, n’a confirmé La Poste dans son rôle de prestataire du service universel postal que pour une durée limitée à 15 ans. Bruxelles pourrait presser l’Etat français à céder des participations pour accélérer l’ouverture à la concurrence du marché. Faisant ainsi tomber la dernière digue du «service postal universel» déjà bien fragilisé.
Le service public délaissé?
«Dans les faits, ce service universel n’est déjà plus assuré : l’Etat a réduit ses dotations nécessaires pour les garantir et la Poste ne se donne plus les moyens d’assurer ces obligations », souligne Thierry Brun rédacteur en chef de la revue Politis et auteur de Qui veut tuer la Poste ? Chronique d’un démantèlement (Politis, septembre 2013).« L’ouverture du capital reste politiquement compliquée et prendra encore quelques années en France mais avec la diversification dans le mobile, le numérique, l’immobilier, etc. la Poste est déjà devenue une entreprise de services multi-activités qui veut présenter un bilan qui plaise aux marchés financiers», souligne Thierry Brun. Et réduit systématiquement les activités les moins rentables.
En mars dernier, l’UFC-Que Choisir épinglait ainsi la promotion excessive du timbre vert (expédition en 48h) au détriment de timbre rouge (24h) au prix fortement relevé. «Tout comme la baisse des effectifs et des plateformes industrielles de courrier, le but inavoué de la Poste est de ne plus assurer la distribution du courrier à j+1 jugée trop coûteuse», estime Thierry Brun.
Dans un communiqué publié jeudi, les administrateurs salariés du groupe s’inquiétaient aussi pour la pérennité du maillage territorial, autre obligation de service public : «Fin 2012, sur 17.041 points de contact, seuls 9.819 sont des bureaux de Poste, 5.223 sont des agences postales communales et intercommunales, 1 995 sont des relais poste et 4 agences postales sont hors convention», notent-ils, tandis que l’accessibilité bancaire ne serait plus garantie dans six départements.
Dans certaines zones, des boites aux lettres collectives sont déjà installée à l’image de ce qui se développe au Canada. Des «Cidex » (Courrier Individuel à Distribution Exceptionnelle) « mis en place depuis 1972 en concertation avec les élus et qui représentent moins de 2% des boites aux lettres installées en France», relativise la Poste.