Smic allemand: Pourquoi la France va en profiter

Smic allemand: Pourquoi la France va en profiter

TRAVAIL – Les entreprises françaises ont tout à gagner à la création d'un salaire minimum outre-Rhin...
Céline Boff

Céline Boff

Les négociations touchent à leur fin. De l’autre côté du Rhin, Angela Merkel devrait décrocher cette nuit ou au plus tard dans la journée de mercredi un accord entre son mouvement, l’union chrétienne-démocrate (CDU), et le parti social-démocrate (SPD). Si les deux formations sont en passe de s’entendre sur un programme commun de «grande coalition», l’un des derniers points de blocage est la mise en place d’un salaire minimum. La chancelière a annoncé le principe de sa création jeudi dernier, mais les modalités restent à définir.

Car l’Allemagne a plusieurs options: elle peut créer des salaires minimums par métier et par région, ou opter pour un Smic à la française, c'est-à-dire un seul salaire minimum garanti pour toutes les professions et tous les territoires. C’est ce que réclame le SPD, qui plaide pour un minimum de 8,50 euros bruts de l’heure (9,43 euros en France).

Si Merkel accepte ce Smic, les changements seraient conséquents, puisque «6,9 millions d’Allemands verraient leurs salaires augmenter et pour certains d’entre eux, doubler», avance Eric Heyer, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). «La demande progresserait et les commandes passées aux entreprises tricolores devraient suivre, puisque la France est le principal partenaire commercial de l’Allemagne.» Les exportations françaises devraient donc s’accroître.

Un bénéfice à nuancer

La création d’un Smic en Allemagne serait également une «bonne nouvelle pour la compétitivité des entreprises françaises», estime Gilbert Cette, professeur d’économie à l’université Aix-Marseille. «Notamment pour celles positionnées dans des industries telles que l’agroalimentaire, puisque l’Allemagne ne pourrait plus payer ses ouvriers moins de 5 euros de l’heure.» Les produits allemands seraient donc vendus plus chers ce qui inciterait les acheteurs internationaux à réévaluer la pertinence des produits français.

C’est d’ailleurs ce qu’espèrent les producteurs de Légumes de France, la Fédération nationale des producteurs de fruits, la Fédération nationale des producteurs de l'horticulture et des pépinières qui ont immédiatement réagi en «encourageant l’Allemagne à finaliser rapidement ce projet». Ce bénéfice attendu est toutefois à nuancer: «les entreprises françaises retrouveront un peu de compétitivité, mais elles ne regagneront pas tout ce qu’elles ont perdu lorsque l’Allemagne a décidé, dans les années 2000, de faire baisser ses coûts salariaux», estime Eric Heyer.

Car, pendant que les Français réduisaient leurs marges et donc leurs investissements pour limiter les prix de leurs produits à l’export, les Allemands renforçaient leurs dépenses en recherche et développement et en marketing. «Et il est possible qu’ils soient montés en gamme et qu’ils devancent désormais les Français, y compris en termes de compétitivité hors coût.»