Made in France: «Il y a vingt ans, nous passions pour des ringards»
PRODUCTION•Ce samedi s'ouvre à Paris la deuxième édition du salon Made in France. «20 Minutes» donne la parole à des entreprises qui ont fait ce choix depuis de nombreuses années...Céline Boff
Friands de made in France, les Français? D’après les sondages, une majorité d’entre eux se dit toujours prête à dépenser plus pour acheter français.
Alors que s'ouvre ce samedi la deuxième édition du salon Made in France, on peut se demander si c'est vraiment le cas. Assurément, répond Philippe Peyrard, directeur général délégué d’Atol. En 2005, l’opticien a choisi de relocaliser sa production pour ses collections en propre: «Elles représentaient alors 2% de nos ventes, contre 20% aujourd’hui. Et la crise ne ralentit pas cette tendance, au contraire. Les Français ont bien compris qu’acheter made in France, c’est défendre nos emplois.»
«Il faut proposer une offre différente»
Gilles Attaf, PDG des costumes Smuggler, a repris cette marque en 2000. A cette époque, fabriquer du textile en France n’était pas vraiment dans l’air du temps. Arnaud Montebourg ou François Hollande font aujourd’hui partie de ses clients. «Notre clientèle est pour l’essentiel composée de cadres et il y a dix ans, ils ne se sentaient pas concernés par les délocalisations… Maintenant, ils ont bien compris que tout est délocalisable. Et ils sont devenus des consommateurs citoyens.»
«Le Français n’est pas un client patriotique comme peut l’être l’Allemand, mais il commence à le devenir», renchérit David Soulard, directeur général du groupe Gautier, qui produit ses meubles en France depuis 50 ans. Il mesure le chemin parcouru: «Il y a 20 ans, nous ôtions toutes les étiquettes «fabriqué en France» de nos produits parce que ça faisait ringard… Nous les avons remises il y a cinq ans. C’est désormais un élément déterminant dans l’acte d’achat.»
Pour autant, «placer un coq bleu-blanc-rouge sur ses produits ne suffit pas à les faire vendre comme des petits pains», assure Philippe Peyrard. «Il faut absolument proposer une offre différente et dont la valeur ajoutée correspond aux attentes des consommateurs. Ainsi, c’est seulement lorsque le client hésite entre deux lunettes que nous lui expliquons que les nôtres sont fabriquées dans un atelier du Haut-Jura… Ce qui va le convaincre d’opter pour cette paire à 90%. Et il en est fier: en sortant de la boutique, il se dit qu’il participe à la réindustrialisation de son pays et il en parlera à ses proches.»
«Ca rassure les Français»
D’après ces professionnels, fabriquer en France présente bien des avantages, notamment en termes de création de petites séries limitées et de personnalisation des produits. Ce qui semble correspondre aux attentes des Français «qui ne veulent plus être dans la consommation à outrance, mais dans l’achat plaisir. En outre, que le produit soit fabriqué en France, ça les rassure, notamment sur la sécurité des matériaux utilisés», estime David Soulard.
La stratégie semble gagnante: «En dix ans, nous avons doublé notre chiffre d’affaires», révèle Gilles Attaf, «et de nouveaux marchés s’ouvrent: nous allons par exemple habiller les commerciaux de chez Peugeot, qui fait aussi le choix du made in France.» Sans parler de l’international, où ces trois entreprises françaises sont très demandées. «C’est comme si nous vendions du Louis Vuitton! A Séoul, nos clients nous demandent si nous ne pouvons pas poser une étiquette «Made in France» sur tous les meubles… Y compris sur les petites étagères!» sourit David Soulard.