ENTREPRISECompétitivité des entreprises: Le CICE va-t-il rater sa cible?

Compétitivité des entreprises: Le CICE va-t-il rater sa cible?

ENTREPRISELes conclusions du rapport d'évaluation du Crédit d’impôt pour la compétitivité de l'emploi présenté ce jeudi révèle que les principales entreprises bénéficiaires ne sont pas toujours celles qui étaient initialement visées...
Claire Planchard

Claire Planchard

Réduire le coût du travail des entreprises françaises pour les aider à affronter la concurrence internationale, telle était la philosophie première du Crédit d’impôt pour la compétitivité de l’emploi (CICE) de 20 milliards d’euros par an, annoncé par le gouvernement le 6 novembre dernier au lendemain de la présentation du rapport Gallois sur la compétitivité des entreprises françaises.

Problème: «Le CICE est un dispositif par construction peu ciblé», note le rapport d’évaluation que s’est procuré 20 Minutes. «Toutes les entreprises employant des salariés rémunérés à moins de 2,5 Smic net peuvent en bénéficier. Le montant du gain pour chaque entreprise dépend donc uniquement du volume de sa masse salariale et de sa distribution de salaires», rappelle-t-il. Et donc pas nécessairement de ses besoins stratégiques à l’export.

Sur la base des déclarations annuelles de données sociales des entreprises en 2011, l’Insee a ainsi pu réaliser des estimations sur la répartition des gains du CICE par type d’entreprise et par secteur. Puis les recouper avec les profils des entreprises exportatrices.

Bonus pour le commerce et l’hôtellerie-restauration

Résultats: côté secteur d’activité, l’industrie manufacturière, présentée comme le point faible de l’économie française à l’export, arrive bien en tête des bénéficiaires en concentrant 19,3% des gains du CICE. En revanche, le commerce s’invite de façon inattendue en 2e position avec 17,6% des gains escomptés. Un résultat mathématiquement logique: les deux secteurs regroupent à eux seuls 36 % de la masse salariale totale sur laquelle s’applique le CICE. Logique, mais pas forcément économiquement justifié.

Par ailleurs, «en proportion de la masse salariale dans chaque secteur, ce sont les secteurs dont la distribution des salaires est plus centrée vers des rémunérations courantes moins élevées qui bénéficient le plus du crédit d’impôt» souligne l’étude. Et non pas ceux qui misent sur des bataillons d’ingénieurs pour doper l’innovation et la valeur ajoutée de leurs produits. Le secteur «Hébergement, restauration», peu exportateur par définition, figure alors très largement en tête (89,9% de sa masse salariale concernée par le CICE), avec les services administratifs (85%); le transport (73,9%) ou le commerce (70%) et les activités immobilières (64,4%), loin devant l’industrie manufacturière (62,8%), ou les «activités spécialisées, scientifiques, techniques» (42,3%) tandis que la finance et l’assurance ferment la marche (35,1%).

«La grande distribution va profiter d’une aide de deux milliards d’euros. Pourtant, personne n’hésite entre faire ses courses au Carrefour du coin ou dans un Walmart installé aux Etats-Unis! Même chose pour le milliard d’aide aux entreprises du bâtiment et des travaux publics. Par ailleurs, le plus gros bénéficiaire du CICE s’appelle la Poste. Cette société anonyme va obtenir une réduction d’impôt de 300 millions d’euros. Je pourrais aussi parler des 200 à 300 millions d’euros d’impôt en moins pour la SNCF…», dénonçait au début du mois le député PS Jérôme Guedj dans une interview accordée au Parisien.

Côté taille des entreprises, l’objectif de donner un coup de pouce aux petites structures semble atteint. «Les microentreprises sont les grandes bénéficiaires du CICE, (82,5% de leur masse salariale concernée), devant les petites et moyennes entreprises (PME) (69,8%) et les entreprises de taille intermédiaire (60,4%), contre 55,9% pour les grandes entreprises. «Là encore, cela reflète une distribution de salaires plus centrée vers des bas salaires dans les petites entreprises que dans les grandes», souligne le rapport.

Des entreprises exportatrices pénalisées par leurs plus hauts salaires

En revanche, l’impact du CICE pour soutenir les entreprises les plus exposées à la concurrence internationale apparaît plus mitigé. Au total, les entreprises n’exportant pas du tout bénéficieront de 38% du montant total du CICE, contre 62% pour les entreprises dites exportatrices, qui comptent en général plus de salariés. Néanmoins, «les entreprises réalisant au moins 5% de leur chiffre d’affaires à l’export ne devraient obtenir que 27% des bénéfices directs du CICE», analyse le rapport.

Le niveau de salaires relativement plus élévé pratiqué dans les entreprises exportatrices semblent en effet jouer une nouvelle fois en leur défaveur: au total, 58 % de leur masse salariale sera concernée par le CICE, contre 79% pour les entreprises non exportatrices (79 %). Pour les entreprises réalisant 5 % à 35 % de leur chiffre d’affaires à l’export, cette proportion tombe même à 52 % et pour les entreprises fortement exportatrices (plus de 35 % du chiffre d’affaires) à 46%.