Succès «made in France» (5/5): Dans les coulisses de Parrot, leader mondial des kits mains-libres
REPORTAGE•Chaque semaine, «20 Minutes» vous fait découvrir des «champions cachés» de l'économie française...Claire Planchard
Elles sont leader européen voire mondial dans leur domaine, en pointe dans l’innovation et l’export, et pourtant méconnues du grand public. «20 Minutes» est allé à la rencontre de ces entreprises françaises, souvent familiales, qui se jouent de la crise et des aléas boursiers. Des «champions cachés»* qui font la force et la richesse de notre économie
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C’est une réussite digne de la Silicon Valley. Et pourtant, elle se bâtit jour après jour depuis bientôt vingt ans, sur les berges du canal Saint-Martin à Paris. Après le succès fulgurant de ses kits main-libres pour téléphones mobiles qui équipent les plus grandes marques automobiles du monde, Parrot, le petit poucet de la high-tech française, est en passe de devenir un acteur mondial des objets connectés grands publics dans le domaine des loisirs: son drone téléguidé par iPhone lancé en 2010 s’est écoulé à plus de 500.000 exemplaires. Et son casque audio haut de gamme bluetooth Zik dessiné par Philippe Stark et promu en 4x3 par Carla Bruni l’a imposé auprès du grand public en 2012.
Une approche mondiale
Résultat, Parrot affichait l’an dernier un chiffre d’affaires de 280,5 millions d’euros, en hausse de 13,3% sur un an et réalisé à 93% hors de France.
«Nos produits sont conçus essentiellement à Paris mais sont vendus partout dans le monde: dans l’industrie high-tech qui est sans doute la plus globalisée, il est très important d’agir de façon mondiale», explique le PDG et co-fondateur du groupe Henri Seydoux. Jusqu’au nom anglo-saxon de la marque (« perroquet» en anglais) tout est fait chez Parrot pour coller au modèle économique éprouvé de la start-up californienne, introduction en bourse comprise.
Ainsi au siège social du groupe, situé quai de Jemmapes (Xe arrondissement), point de ligne de production ou de plateforme logistique, mais des bataillons d’ingénieurs et de spécialistes en marketing, qui grossissent à vue d’oeil. En vingt ans, les effectifs parisiens sont passés de 40 à 600 dont 425 pour le seul service R&D, où sont réinvestis chaque année 12 à 14% du chiffre d’affaires. La majorité de la production, elle, est sous-traitée dans les pays du sud-est asiatique «ce qui permet de réduire les coûts de main d'œuvre de manière significative», détaille le document de référence 2012 du groupe.
«Ce modèle sans usine correspond à notre entreprise puisque l’essentiel de notre valeur ajoutée est créée par la R&D et nos forces de vente et de marketing, et seulement 7% par la production», explique sans complexe Henri Seydoux.
Le nerf de la guerre pour lui c’est la créativité. «Je viens de la génération post 68: ‘sous les pavés la plage’ ou’ l’imagination au pouvoir’ ça me parle», reconnaît en souriant ce patron autodidacte au tutoiement facile. Dans son bureau, situé au cœur des équipes de R&D, des échantillons des derniers produits côtoient sculptures et tableaux, livres d’art et recueils de poèmes. «Etre petit n’est pas un handicap, le handicap c’est se tromper de marché: notre stratégie est donc de ne pas faire ce que font Apple, Google ou Microsoft mais d’être délibérément différent», poursuit-il.
Un nouvelle voie «écolo-geek»
«Nous ne nous contentons pas d’intégrer les technologies développées par d’autres pour les marketer, mais nous repensons complètement des produits existants sur le marché comme le casque audio ou nous inventons de nouveaux produits autour des usages existants, comme le jeu et de la communication», détaille Guillaume Pinto, le responsable R&D grand public.
La prochaine innovation de Parrot dont le lancement est imminent appartient clairement à cette deuxième catégorie. Avec son «Flower Power», un capteur bluetooth capable d’indiquer quand et comment arroser, éclairer ou même doper aux engrais ses plantes, Parrot entend désormais défricher le marché vierge de «l’agriculture de précision».
«C’est une idée geek avec une coloration écolo qui est en phase avec la modernité et ancrée dans la vie quotidienne des gens», estime Henri Seydoux. Précurseur, mais pas donneur de leçon, cet inventeur passionné garde la réussite modeste. «Je n’ai pas de rêve mégalomane de livrer la bonne parole geek ou de devenir un empereur de la high-tech», explique-t-il. «Ce que je veux pour les dix ans à venir, c’est continuer à faire des choses qui soient utiles et amusantes. C’est ma façon à moi de m’exprimer.»
*Dossier réalisé en collaboration avec Stéphan Guinchard, co-auteur de Les champions cachés du XXIe siècle – Stratégies à succès (éditions Economica, , octobre 2012).