INTERVIEWMode et petites filles: «On ne doit pas leur interdire de s'habiller de manière féminine, mais poser des limites»

Mode et petites filles: «On ne doit pas leur interdire de s'habiller de manière féminine, mais poser des limites»

INTERVIEWLes jeunes adolescentes sont des cibles idéales pour les marques de vêtements, qui rivalisent de stratégies pour séduire ces consommatrices en herbe...
Bertrand de Volontat

Bertrand de Volontat

Griffes pour enfants, lignes de vêtements dédiées (Tammy d’Etam, IKKS Kids, Zara, etc.), collections haut-de-gamme… Les marques s’adressent désormais aux petites filles (8-12) et misent beaucoup sur la clientèle préadolescente. Mais la mode ne leur impose-t-elle pas une image de la féminité trop «adulte»? Les jeunes filles gardent-elles une liberté dans leurs choix vestimentaires?

Michel Fize, sociologue au CNRS et auteur de L’adolescence pour les nulles, explique à 20 Minutes dans quelle mesure la féminité peut s’appliquer aux jeunes filles.

Dans notre dossier «Petites filles»:
>> Lire l’interview intégrale de Catherine Monnot
>> Le point de vue d’une psychanalyste, à lire par ici
>> Faut-il élever les filles et les garçons de la même manière? Le débat à lire par ici

L'essor de la mode pour les petites filles est concomitant avec l'avancement de l'âge de la puberté. Toutefois, peut-on dire que les petites filles sont trop exposées et trop tôt à la mode?



Tout d’abord, il faut parler de jeunes adolescentes ou de petites adolescentes, non pas de petites filles ou de pré-ados. En effet, vers 8-9 ans, un basculement vers «l’adolescence en culottes courtes» s’opère, qui s'explique non par la puberté mais par la culture de la parure, du vêtement. Et c’est là que l’offensive commerciale et marketing des marques intervient. Les parents ne s’étonnent pas de cette exposition à la mode féminine très jeune, contrairement aux médias qui, eux, s’interrogent beaucoup.

Cette mode féminine n’est-elle pas nocive aux jeunes adolescentes qui se déguisent en femmes-adultes? L’ex-ministre Chantal Jouanno s’est battue contre cela notamment…



Chantal Jouanno a confondu féminisme, féminité et hypersexualisation. Ce n’est pas non plus, comme le pense la ministre, le retour de la femme-objet. Pour comprendre la mode de cette tranche d’âge, il faut partir du commencement. En 2013, les filles assument leur féminité. Elles se disent dorénavant, «nous sommes féminines mais aussi les égales des garçons», tout part de là. Cela se traduit notamment par le retour de la jupe et de la robe. On est loin de l’époque unisexe où garçons et filles portaient les mêmes jeans. Quant à savoir si les marques emboîtent le pas de cette féminité ou la créent, c’est l'histoire de la poule et de l’œuf.

Les parents, qui sont les vraies cibles des marques car c’est eux qui payent, n’ont-ils pas un rôle de filtre à tenir?



La féminité est bien entendue entretenue par la publicité qui met en avant des jeunes adolescentes. Et la médiatisation des tenues féminines est renforcée par la télévision et des personnages publics comme Lady Gaga ou dernièrement Miley Cyrus. Les parents ne doivent pas interdire à leur fille de s’habiller de manière féminine mais leur expliquer les limites de cette démarche. Par exemple, il faut dire « non » au maquillage et laisser la place à une féminité progressive, par étape.

La mère a-t-elle un rôle plus important à jouer?

La mère reste une figure de référence aussi bien dans l’aspect marketing, puisque certaines marques développent des collections pour jeunes ado sur le principe de «comme maman» que dans l’imaginaire populaire. De tout temps les jeunes filles sont allées fouiller dans les placards pour s’habiller avec les habits de leur mère.