Chômage: Les emplois francs de François Hollande seront-ils vraiment efficaces?
•SOCIAL – Après les emplois d’avenir et les contrats de génération, l’exécutif complète sa «boîte à outils»...Mathieu Bruckmüller
Pas de vacances pour François Hollande. Mardi, pour son troisième déplacement en une semaine, le chef de l’Etat a de nouveau martelé sa promesse d’inverser la courbe du chômage d’ici la fin de l’année.
Le nombre de demandeurs d’emploi flambe
Le nombre de demandeurs d’emploi, sans aucune activité, a bondi de plus de 11% ces 12 derniers mois portant le total à près de 3,3 millions. Face à l’ampleur du phénomène, le président de la République a ajouté un nouvel ustensile à sa «boîte à outils». Après les emplois d’avenir (100.000 espérés d’ici la fin de l’année), les contrats de génération (75.000 espérés à l’horizon de mars 2014), il a présenté les emplois francs, un dispositif qui consiste en une aide de 5.000 euros, versée en deux fois, à une entreprise qui embauche, en CDI, un jeune de moins de 30 ans résidant dans une zone urbaine sensible (ZUS).
Le premier a été signé le 10 juillet à Marseille (Bouches-du-Rhône) avec un objectif de 5.000 contrats d’ici la fin décembre dans 10 villes, dont Clichy-Montfermeil (Seine-Saint-Denis), Amiens (Somme), Grenoble (Isère) et Marseille. D’ici trois ans, 10.000 emplois francs pourraient trouver preneur. Ils «visent à répondre à une problématique des quartiers populaires, la discrimination à l'adresse», une stigmatisation qui n'est «pas évaluable, pas palpable, (...) mais qui existe», selon le gouvernement.
L’opposition et la CGT vent debout
Un argumentaire récusé par Camille Bedin, secrétaire général adjointe de l'UMP. Interrogée par le jdd.fr, elle estime qu'il «ne s'agit que d'un dispositif électoraliste, pour donner l'impression que le pouvoir s'occupe des banlieues à quelques mois des municipales».
La CGT a elle aussi tiré à boulets rouges sur les emplois francs qui ne «dérogent pas à la philosophie vieille de trente ans des aides et incitations aux entreprises, avec un effet désastreux sur l’emploi et les salaires. 200 milliards d’euros d’aides publiques subventionnent chaque année les entreprises françaises!... La CGT ne peut que déplorer le manque d’envergure de cette mesure, face à la situation pourtant dramatique des jeunes, notamment des quartiers populaires». La Centrale estime «indispensable une évaluation des dispositifs précédents avec comme critères premiers leurs effets sur les créations d’emplois».
Des politiques jusqu’ici peu efficaces
Dans une récente étude, la Dares, la division statistique du ministère du Travail, constate que les embauches dans les zones franches urbaines (ZFU) bénéficiant, sous conditions, d’exonérations fiscales et sociales se tassent. Créé en 1996, ce dispositif basé en partie sur les ZUS n’a débouché que sur 5.100 embauches en 2011, 60% de moins que le record de 2007. 11.700 établissements en ont profité en 2011 pour un total de 43.000 salariés.
«La mise en place des zones franches dans certains quartiers difficiles avait induit des effets d’aubaine, des entreprises se contentant simplement de déplacer leur siège ou certains de leurs locaux, pour bénéficier d’exonérations fiscales et sociales», souligne Michel Abhervé, professeur associé à l'université de Paris Est Marne-la-Vallée. Vu le manque d’attractivité des ZFU, «cela montre qu’il était temps de renouveler ce dispositif en voie de délitement», estime-t-il.
A ses yeux, l’âge fixé à 30 ans et l’absence de conditions de diplômes rend le programme des emplois francs «accessible aux jeunes diplômés dont certains avaient exprimé une certaine amertume de ne pouvoir bénéficier du programme des emplois d’avenir» réservé aux personnes de moins de 26 ans sans qualification.
Mais surtout l’exécutif change de logique en «passant d’une aide à la localisation, dont l’impact ne s’est pas avéré déterminant dans le changement d’image des quartiers, à une aide centrée sur les jeunes, qui devrait faciliter leur embauche. Impact à suivre, pour voir si cette aide compense, plus ou moins complètement les discriminations à l’adresse montrées par plusieurs enquêtes de testing», analyse Michel Abhervé.