Auto-entrepreneurs: «Cette réforme provoquerait le plus grand plan social de France»
INTERVIEW•Adrien Sergent, porte-parole du collectif Défense Poussins, explique sa bataille contre le projet de réforme du statut de l'auto-entrepreneur préparé par Bercy...Propos recueillis par Claire Planchard
Après les Pigeons défenseurs des entrepreneurs contre le matraquage fiscal, et les Autruches en guerre contre le régime social des indépendants, les Poussins ont fait leur apparition sur les réseaux sociaux le 30 avril pour protester contre le projet de réforme du statut de l’auto-entrepreneur, porté par la ministre de l’Artisanat Sylvia Pinel. Grâce à une médiatisation croissante, leur pétition lancée sur la plateforme change.org a déjà reçu plus de 76.000 signatures et sera remise ce jeudi à la ministre. Son instigateur et porte-parole Adrien Sergent explique à 20 Minutes ses attentes.
Que demandez-vous à la ministre?
Nous voulons l’abandon de ses deux propositions: le plafonnement du chiffre d’affaires pour les activités secondaires et la limitation dans le temps du régime pour les activités principales dans l’artisanat. Pour la première, le plafond est déjà suffisamment bas et cela ne ferait que précariser davantage ceux qui ont réussi à dégager des revenus. Pour la seconde, il s’agit pour nous d’un ultimatum: soit vous passez sous le statut d’entreprise classique, soit vous disparaissez. Cela poussera au chômage des dizaines de milliers d’auto-entrepreneurs qui ne voudront pas ou ne pourront pas le faire en raison de la complexité administrative ou des coûts supplémentaires que cela induit (de l’expert comptable aux taxes, etc). Si 5% du million d’auto-entrepreneurs existants devaient disparaître, cela représenterait le plus grand plan social de France!
Que répondez-vous aux accusations de concurrence déloyale, que les artisans, en particulier dans le bâtiment, mettent en avant pour accélérer cette réforme?
Les artisans se trompent de combat. Au lieu de chercher à améliorer leur situation, notamment avec des aides aux financements, ce qui serait une politique plus difficile mais aussi plus courageuse, le gouvernement agite le drapeau rouge et brandit un bouc émissaire: avec la lutte contre le régime de l’auto-entrepreneur, il détourne l’attention du vrai problème. Dans les rapports de l’IGF et de l’Igas, il est écrit noir sur blanc que la concurrence déloyale est un épiphénomène totalement marginal. Dans le bâtiment, le chiffre d’affaires des auto-entrepreneurs ne représente que 0,7% de celui des entreprises classiques de moins de 20 salariés. Et leur plafond de chiffre d’affaires est trop bas pour accepter de gros chantiers. Ils font les petits travaux qui bien souvent n’intéressent pas les entreprises classiques.
Préconisez-vous d’autres améliorations du statut?
Quelles que soient les propositions qui émanent de cette concertation, si il n’y a pas abrogation de ces deux projets, ça ne marchera pas car ça reviendra à faire une greffe sur un statut en mort programmée. Mais il y a bien sûr plein d’autres sujets à soulever, comme le développement de l’accès à la formation, et la question du financement et notamment de l’accès au microcrédit. C’est primordial si on veut un vrai un accompagnement (volontaire et facultatif) vers une entreprise classique. Avec ce projet, au contraire, on nous coupe les ailes en plein vol.