«Alcatel était un joyau français, mais comment avez-vous pu en arriver là?!»
ENTREPRISE – Le groupe Alcatel-Lucent a réuni ce mardi en assemblée générale ses actionnaires, particulièrement en colère...Céline Boff
Un euro et quatre centimes. Voilà ce que valait, ce mardi à 10h30, l’action Alcatel-Lucent (ALU). Elle frôlait encore les cinq euros il y a cinq ans. Et en septembre 2000*, elle avait dépassé les 97 euros.
«Je me demande si vous n’allez pas faire faillite. Alcatel était un joyau français, mais comment avez-vous pu en arriver là?!», attaque l’un des actionnaires. «Après sa fusion avec Lucent, le groupe a cumulé, entre 2007 et 2011, 12 milliards d’euros de perte, voilà l’état des lieux!», s’agace un autre porteur.
Les actionnaires de ce groupe franco-américain spécialisé dans les produits et les services de télécommunications étaient convoqués ce mardi au Palais des Congrès de Paris pour l’assemblée générale. Ils sont près de deux cents à avoir fait le déplacement. C’était aussi leur premier rendez-vous avec le nouveau patron d’ALU: Michel Combes.
Un Français bien connu dans le secteur, puisqu’il est notamment passé par Vodafone et France Télécom. Il a pris les manettes il y a à peine plus d’un mois, le 1er avril, succédant au néerlandais Ben Verwaayen. Et si l’on en croit Philippe Camus, président du conseil d’administration, Combes a été choisi parmi plus de 70 candidats. Camus ne tarit d’ailleurs pas d’éloges sur le nouveau directeur général qui a «déjà montré son dynamisme» et se montre «à l’écoute des salariés et des clients».
Alcatel-Lucent n’abandonnera pas l’Europe
Michel Combes détaillera son plan pour redresser le groupe au début de l’été, mais il présente déjà quelques lignes directrices dans l’espoir de rassurer les actionnaires, pour le moins tendus. «Les prochaines années seront celles de l’effort», commence-t-il, ajoutant que «rien ne sera facile», à l’heure où «les mutations sont de plus en plus rapides» et la concurrence «féroce».
Pour sortir le groupe du marasme, son modèle pourrait être Ericsson. Il cite en tout cas cette entreprise suédoise «au bord du gouffre il y a dix ans», redevenue aujourd’hui un «leader mondial» qui réalise une «marge opérationnelle de 7%». Et pour suivre cette trajectoire, Michel Combes veut agir vite.
D’abord en simplifiant l’organisation et le processus de décision de l’entreprise. Ensuite, en poursuivant l’effort d’innovation, «véritable ADN» du groupe. Et pour la financer, outre la poursuite du plan de réduction des coûts engagé en 2012 –avec 5.490 suppressions de postes, dont 1.430 en France-, Combes prévoit de passer en revue l’ensemble des produits et des implantations géographiques du groupe. Les moins stratégiques pourraient disparaître.
Côté produits, l’objectif de Combes est de passer d’une entreprise «généraliste» à une «multi-spécialiste». Côté implantations, le groupe se maintiendra en Europe, même si ce marché est peu porteur, mais ne pourra pas rester dans les 150 pays où il est pour l’heure présent. Le directeur général vise aussi l’Afrique pour conquérir de nouveaux marchés.
La rémunération du patron agace les actionnaires
Pour effectuer ce travail, Michel Combes touchera une rémunération fixe de 1,2 million d’euros par an, soit la même que celle de l’ancien directeur général. Mais elle pourra atteindre jusqu’à 3,6 millions d’euros, en cas de grande performance.
Des indemnités de départ de 2,4 millions d’euros, liée à «des conditions de performance», sont également prévues, tout comme le versement d’une confortable retraite complémentaire. Ainsi, l’ancien patron, Ben Verwaayen, part avec près de 500.000 euros de rente annuelle.
Ce que n’acceptent pas les actionnaires salariés, dont le représentant prend la parole: «Ce n’est pas une attaque personnelle -nous plaçons beaucoup d’espoirs dans M. Combes- mais les conditions de sa retraite et de ses indemnités de départ nous semblent excessives par rapport à la situation actuelle du groupe et alors que les actionnaires n’ont reçu aucun dividende depuis plusieurs années».
«Il faut être réaliste: le talent et la compétence ont un prix», lui répond Philippe Camus, ajoutant qu’une «bonne partie est liée à la performance et ne lui est donc pas acquise». Les actionnaires accepteront d’ailleurs cette rémunération, à plus de 70%.
*Le Français Alcatel n’avait alors pas encore fusionné avec l’Américain Lucent. La fusion a eu lieu en 2006.