INTERVIEWBenoît Hamon: «Les grandes entreprises veulent toujours garder les marges considérables même quand elles sont indues»

Benoît Hamon: «Les grandes entreprises veulent toujours garder les marges considérables même quand elles sont indues»

INTERVIEWLe ministre vient de présenter son projet de loi sur la Consommation...
Propos recueillis par Mathieu Bruckmüller

Propos recueillis par Mathieu Bruckmüller

La troisième promesse fut la bonne. Annoncée successivement par Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, l’action de groupe, véritable Arlésienne, va enfin voir le jour. Benoît Hamon, ministre en charge de la Consommation a présenté jeudi en conseil des ministres les contours de cette procédure qui va permettre aux consommateurs d’attaquer collectivement en justice un professionnel pour réparer un dommage matériel lors de la vente de biens, la fourniture de services ou lié à des pratiques anticoncurrentielles. Dans la foulée, il a dévoilé un train de mesures censées redonner du pouvoir d'achat aux ménages. Pour 20 Minutes, il répond aux critiques.

L’action de groupe que vous présentez fait l’impasse sur les préjudices liés à la santé et à l’environnement. Pourquoi cet oubli ?

Ce n'est pas un oubli. L'action de groupe va permettre aux consommateurs d’obtenir réparation des préjudices du quotidien (énergie, téléphonie, transports, assurance, banque…) qui sont l’immense majorité des litiges pour lesquels se justifie l’action de groupe. S'agissant des préjudices relatifs à la santé, une victime d'un médicament ne souhaite pas simplement se voir rembourser du médicament ; elle veut surtout être indemnisée du préjudice corporel. Or, cela suppose un examen individuel pour vérifier les antécédents, les pathologies. Il est impossible de fixer la même indemnité pour tout le monde. Mais ce texte est le premier étage d’une fusée. Dans un second temps, le Gouvernement pourra engager, après un premier retour d'expérience, des réflexions pour envisager les conditions d'une éventuelle extension du champ de l'action de groupe pour les préjudices liés à l’environnement à la santé.

La procédure d’indemnisation ne risque-t-elle pas d’être très longue notamment dans les cas d’infractions aux règles de la concurrence?

Dans le domaine de la concurrence, il nous faut attendre, pour des raisons de stabilité juridique, la décision de l’Autorité de la concurrence avant de déclencher une action de groupe. Mais nous allons travailler avec elle pour raccourcir les délais de procédure. De plus, dès la promulgation de la loi, d’ici la fin de l’année, il sera possible de porter une action collective en justice pour toutes les décisions devenues définitives qui ont été rendues par l’Autorité au cours des cinq dernières années. Mais dans la majorité des cas, il s’agira de non-respect d’un contrat de consommation et alors, là, l'action de groupe sera d'effet immédiat. La procédure sera donc extrêmement rapide. Le remboursement pourra intervenir dans l’année qui suit le dépôt d’une action par une association de consommateurs.

Certains grands patrons estiment que les entreprises condamnées risquent d’augmenter leurs prix ?

Les grandes entreprises veulent toujours garder les marges considérables qu’elles ont constituées même quand elles sont indues. Elles sont parfois bien moins frileuses quand il s'agit de demander des baisses de charges, accordées en novembre par le gouvernement. Je m’étonne que ces mêmes grands groupes qui réclament à corps et à cri une libéralisation du marché du travail s’opposent très fortement à toutes réformes structurelles qui protègent un peu plus le consommateur. Les grands patrons ont beaucoup demandé. Ils se sont beaucoup plaints. A eux de savoir ce qu’ils peuvent faire pour le pays.

Les assureurs avertissent que la faculté de résilier son assurance à tout moment au bout d’un an risque d’augmenter les primes ?

Les assurances représentent 5% des dépenses des ménages. Nous voulons fluidifier le marché en donnant la possibilité au consommateur de changer d’assureur au bout d’un an quand il le souhaite. Ceci va entraîner plus de concurrence et une baisse des primes contrairement à ce que disent les professionnels du secteur. Ces grands groupes croient beaucoup aux vertus de la concurrence sauf quand elle s’applique à leur secteur. Je rappelle que la multirisque habitation a augmenté trois plus vite que l’inflation dans les trois dernières années.

Pourquoi le fichier qui devait recenser les crédits à la consommation n’est pas dans votre texte ?

Il sera réintégré dans un mois par amendement gouvernemental lors de la présentation du projet de loi au Parlement. En effet, le Conseil d’État ne nous a pas donné son feu vert. Nous travaillons à obtenir un avis formel pour que ce registre national du crédit entre en vigueur. Rien n’eût été plus absurde que de proposer une mesure qui aurait pu être retoquée par le Conseil constitutionnel. Et ce au risque de désespérer les associations qui s’occupent au quotidien des ménages surendettés. Le registre national des crédits aux particuliers recensera les crédits accordés à chaque particulier qui ont un impact direct sur le surendettement. Sa consultation par les établissements de crédit sera rendue obligatoire avant l’octroi d’un nouveau crédit lui permettant de mieux évaluer les risques du dossier et de refuser le crédit susceptible de faire tomber dans le surendettement.