SOCIALLa CGT est-elle «un syndicat de fous»?

La CGT est-elle «un syndicat de fous»?

SOCIALLe 50e congrès de la Confédération générale du travail, plus connue sous son sigle CGT, s’ouvre lundi à Toulouse...
Céline Boff

Céline Boff

Pour Bernard Thibault, la fin approche. Ce lundi s’ouvre à Toulouse le 50e congrès de la CGT et dans cinq jours, il confiera à Thierry Lepaon, pour trois ans, les rennes de ce syndicat pour le moins controversé. La CGT serait-elle ce «Cancer Généralisé du Travail», selon l’expression de Coluche? Ou «un syndicat de fous», comme l’estime Maurice Taylor, le patron américain de Titan?

«C’est une vision réductrice. Certes, la radicalité de certains cégétistes a détruit des pans entiers de notre économie, comme le secteur du livre ou celui de la manutention portuaire. Mais d’autres syndicalistes font un travail pertinent et ils sont vraiment à la table pour négocier», avance un observateur.

«Il y a beaucoup de diversité à la CGT», souligne Dominique Andolfatto, chercheur spécialiste du syndicalisme, «et si le discours au niveau national est très politique, la CGT est plutôt pragmatique localement. Dans certaines branches, ce syndicat est même force de propositions et considéré comme un partenaire solide par de nombreux DRH».

Ce que confirme Bernard Vivier, directeur de l’Institut supérieur du travail: «Dans les entreprises, la CGT signe, chaque année, 80% des 30.000 accords qui lui sont présentés. Ils avalisent quatre dossiers sur cinq! Sur le terrain, elle est donc bien dans le compromis».

«Il est plus facile de porter le costume du contestataire»

Mais n’aurait-elle pas tendance, ces derniers mois, à radicaliser son discours? «Il se durcit en effet, c’est toujours le cas à l’approche de ses congrès. Et ça l’est encore un peu plus cette année, car la succession de Thibault a été difficile. Désigner des difficultés à l’extérieur permet de détourner le regard des tensions internes», estime Bernard Vivier.

Qui ajoute: «La CGT estime également que le gouvernement s’éloigne de ses promesses électorales. Son durcissement sera-t-il durable? La CGT va-t-elle rester sur une ligne de contestation ou évoluer vers plus de négociation? Thibault avait essayé de conjuguer ces voies, mais il n’est pas possible de jouer indéfiniment sur ces deux cordes».

Pour Dominique Andolfatto, «il est évidemment plus facile de porter le costume du contestataire que celui du réformiste. Cette attitude passe mieux auprès de l’opinion que l’appel à une part de sacrifice». A fortiori en temps de crise.

Mais cette stratégie est-elle vraiment payante? «Ce n’est pas qu’une posture, il y a aussi une part de conviction. La CGT est profondément hostile à toute remise en cause de la réglementation sociale», estime Dominique Andolfatto. «Les cégétistes se replient sur leurs fondamentaux pour apparaître comme ceux qui luttent. Mais avec des résultats très contrastés: dans des bastions historiques comme la SNCF ou EDF, ils sont en recul constant», avance un syndicaliste.

La CGT est loin de son objectif d’un million d’adhérents

«Avec cette attitude, la CGT obtiendra peut-être de meilleurs résultats aux prochaines élections professionnelles. Mais si c’était vraiment payant, ses effectifs n’auraient pas progressé que de 6% au maximum en quatorze ans», argue Dominique Andolfatto. La CGT revendique en effet 682.000 adhérents, bien loin de l’objectif du million qu’elle s’était fixé lors du congrès de 2003.

«La France a une culture profonde de la révolte et la CGT bénéficie de cette image du syndicat entier et dur. Mais aujourd’hui, les actions radicales ne font plus avancer les choses, car le marché du travail est devenu extrêmement mondialisé. D’ailleurs, en Europe, les syndicats sont de plus en plus dans la culture de la négociation», analyse Bernard Vivier.

C’est justement la voie choisie par la CFDT. «Elle a fait toute sa mue réformiste, jusqu’à signer le 11 janvier dernier l’accord sur l’emploi», poursuit l’expert. Le fossé se creuserait-il entre les deux syndicats, alors que des tensions apparaissent sur le terrain? «Ils ont des cultures très différentes, mais quand ils voient leurs intérêts menacés, ils savent se retrouver pour faire front commun», répond Dominique Andolfatto, qui prend comme exemple la réforme sur les règles de représentativité dont les résultats seront dévoilés à la fin du mois: «Dans ce combat, la CGT et la CFDT ont travaillé ensemble, et même avec le Medef, pour conserver leur supériorité sur les plus petits syndicats».