Négociations sur l'emploi: «Un échec serait doublement grave»
INTERVIEW – Bernard Vivier, directeur de l'Institut supérieur du travail (IST), revient pour «20 Minutes» sur les négociations en cours sur la sécurisation de l'emploi...Propos recueillis par Céline Boff
Améliorer le fonctionnement du marché du travail dans un contexte de crise majeure de l’emploi. C’est l’enjeu des négociations entre les partenaires sociaux, qui se retrouvent jeudi et vendredi pour une ultime séance de négociations. Mais l’accord semble pour l’heure bien loin d’être acquis. Pourquoi le dialogue social semble toujours échouer en France? 20 Minutes a posé la question à Bernard Vivier, directeur de l’Institut supérieur du travail (IST).
Croyez-vous à la signature d’un accord?
Rien n’est impossible. Les responsables syndicaux laissent entendre que l’on se dirige vers un échec, mais je reste par expérience prudent sur ce type d’annonces. Pour autant, je ne suis pas certain qu’un accord soit trouvé, mais je sais qu’au fond, les partenaires sociaux ont envie de signer. Car s’ils ne parviennent pas à un consensus, c’est le gouvernement qui tranchera. Il faut aussi rappeler qu’au-delà de l’opposition entre patronat et syndicats, il y a aussi des désaccords au sein même du monde patronal. Prenez les contrats courts. C’est l’outil de flexibilité privilégié par les PME. Les grands groupes sont moins concernés: leur flexibilité, ils la gagnent sur les sous-traitants. Par conséquent, si une taxation sur les CDD est décidée, c’est la CGPME [Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises] qui sera pénalisée, pas le Medef. Ce dernier pose toutefois une bonne question: qu’est-ce qu’un CDD abusif? Et qui va le considérer comme tel? Le juge, l’inspecteur du travail ou encore une autre instance?
Un échec de ces négociations serait-il si grave?
Oui, à deux niveaux. D’abord, les entreprises ne disposeraient pas d’outils élaborés par leurs propres représentants pour se mettre en situation de compétitivité au niveau international. Ensuite, ce serait un échec du dialogue social. Les partenaires sociaux prouveraient que sur les sujets qui les concernent, ils ne parviennent pas à s’entendre. Et donc qu’ils ne servent pas le pays. En outre, Laurence Parisot devrait accepter de passer la main à la puissance publique pour que ce soit elle qui légifère…
Pourquoi le consensus syndical semble-t-il impossible dans notre pays?
Pour deux raisons. Primo, le manque de confiance réciproque entre le patronat et les syndicats. Secundo, l’intervention incessante de l’Etat en France. Il passe son temps à dire qu’il considère comme primordial le dialogue social mais dans le même temps, il ne peut s’empêcher d’interférer dans les règles sociales et de s’immiscer dans les négociations. Que le gouvernement soit de gauche ou de droite, c’est pareil: à chaque fois, il met une pression considérable sur les partenaires sociaux en leur fixant un calendrier intenable et le contenu de leurs discussions! Les pays dans lesquels le dialogue social fonctionne n’agissent pas ainsi, ils laissent tout le pouvoir aux partenaires sociaux.