Négociation emploi: La France est-elle suffisamment flexible?
TRAVAIL•Lancées le 4 octobre dernier, les négociations sur la sécurisation de l'emploi entre les partenaires sociaux patinent toujours...Céline Boff
Ça bloque encore. A la demande du gouvernement, les partenaires sociaux négocient depuis le 4 octobre pour améliorer le fonctionnement du marché du travail. Mais ils sont encore très loin de parvenir à un accord, comme le prouve la rencontre qui s’est tenue ce jeudi.
«Le Medef nous présente un texte précis sur la flexibilité, mais très flou et très vague sur la sécurisation de l’emploi et sur le recul de la précarité, alors que travailler sur ces thèmes permettrait de renforcer la compétitivité et la performance de notre pays», estime Patrick Pierron, négociateur pour la CFDT.
Limiter le montant des dommages et intérêts en cas de licenciement abusif
Pour le patronat, si les entreprises rechignent à embaucher en CDI, c’est parce que ce contrat manque de souplesse. Il voudrait notamment ramener de cinq ans à 12 mois le délai légal pour ouvrir un contentieux prud'homal et limiter le montant des dommages et intérêts versés au salarié en cas de licenciement abusif.
«Il y a sans doute à revoir, mais le patronat nous braque en amenant ses propositions si brutalement», estime Patrick Pierron. «Le texte présenté par le Medef est une charge contre le CDI et ces négociations font surtout la part belle aux actionnaires», lance Agnès Le Bot, de la CGT, qui insiste: «Le patronat cherche à sécuriser la rupture du contrat, pas le parcours du salarié».
«Les CDD coûtent plus chers à l’assurance-chômage que les intermittents du spectacle»
Pour FO, la flexibilité est déjà trop présente. «Elle progresse depuis 30 ans dans l’entreprise, qu’elle soit externe, avec le recours toujours plus massif aux CDD et à l’intérim, ou en interne, avec la modulation du temps de travail induite par les 35 heures et la montée en puissance du temps partiel. Même la rémunération est devenue flexible, puisqu’elle est de plus en plus liée à l’atteinte d’objectifs», avance Stéphane Lardy.
Pour favoriser le recrutement en CDI, FO souhaiterait que les entreprises recourant de manière abusive aux CDD et à l’intérim voient leurs cotisations chômages augmenter. «Les CDD coûtent aujourd’hui plus chers à l’assurance-chômage que les intermittents du spectacle», rappelle Stéphane Lardy.
La CFDT souhaite elle aussi moduler le niveau des cotisations des entreprises, mais «en fonction de la durée passée par un salarié dans son emploi», explique Patrick Pierron. «Car il y a une montée en puissance des ruptures de CDI pendant la période d’essai. »
L’éternel problème de la croissance
Si les modalités divergent, l’objectif est le même: contraindre les entreprises, en les attaquant au portefeuille, à modifier leurs agissements. «Elles ne se comportent pas toutes de la même manière avec leurs salariés, elles ne doivent donc pas être toutes traitées de la même façon», argue Patrick Pierron.
Si les négociations s’annoncent donc difficiles, le gouvernement souhaite qu’elles aboutissent avant la fin de l’année. Il voudrait même que les partenaires sociaux parviennent à un «accord historique». Ce qui agace les syndicats. «Quoi qu’il advienne, nous ne sommes pas en mesure d’inverser la courbe du chômage, parce que seule la croissance permet de créer de l’emploi, et nous n’en avons plus», rappelle Stéphane Lardy.
En France, il faut en effet 1% de hausse de l’activité pour créer de l’emploi et 1,5% pour commencer à résorber le chômage. En 2013, le PIB français devrait au mieux croître de 0,8%.