INTERVIEW«On a donné des noms italiens aux Tortues Ninja car on adorait la Renaissance»

«On a donné des noms italiens aux Tortues Ninja car on adorait la Renaissance»

INTERVIEWLe cocréateur des Tortues Ninja, Kevin Eastman, raconte leur naissance et revient sur la nouvelle série d’animation de Nickelodeon...
Recueilli par Joël Métreau

Recueilli par Joël Métreau

C’est dans la solitude que Georges est passé de vie à trépas. Mais une autre espèce de tortues, expertes en pizza et arts martiaux, est en pleine forme. Pour leur venue au Comic Con à Villepinte (Seine-Saint-Denis), Kevin Eastman, cocréateur des Tortues Ninja (Teenage Mutant Ninja Turtles en anglais) et Rich Magallenes, vice-président senior de Nickeleodeon Animation, expliquent leur origine et pourquoi Donatello, Michelangelo, Leonardo et Raphael reviennent dans une série, qui sera diffusée cet automne aux Etats-Unis, l’an prochain en France.

Comment vous est venue cette idée dingue de Tortues Ninja?

Kevin Eastman: Peter Laird et moi on adorait les comics. Plus jeunes, on les lisait au lieu de faire nos devoirs. Et on voulait tous les deux en réaliser. On était inspirés par des gens comme Jack Kirby. On a donc fait équipe et tenté de vendre nos idées à plein de sociétés. On a reçu plein de lettres de refus. Et puis un soir, dans notre studio, j’ai dessiné le croquis d’une tortue qui se tenait debout, avec un masque. Je l’ai mis sur le bureau de Peter et lui ai dit: «Ce sera le prochain hit.» Il a rigolé. Puis j’ai fait un dessin en en représentant quatre, avec des armes différentes. J’avais écrit un logo «Ninja Turtle» et il a ajouté «Teenage Mutant». Le jour suivant, on a écrit l’histoire. C’était en 1983. Le premier numéro est sorti un an plus tard.

Oui, mais pourquoi des tortues?

Kevin Eastman: On cherchait une version animale de Bruce Lee. La tortue nous semblant le plus éloigné, c’est ce qui nous a paru le plus drôle. La lenteur de la tortue associée à la rapidité d’un pratiquant d’arts martiaux... Quant aux noms, on trouvait ça banal de leur donner une consonance orientale ou de les appeler Bob ou Steve. On était tous les deux passionnés d’histoire de l’art et particulièrement de la Renaissance italienne. Donatello a failli s’appeler Bernini car c’était mon sculpteur préféré.

Pourquoi aiment-ils tant la pizza?

Kevin Eastman: Quand j’étais lycéen, j’avais un job dans une pizzeria. Et puis, plus tard, on était tous les deux fauchés, on mangeait beaucoup de pizzas.

Puis vous avez auto-publié votre histoire…

Kevin Eastman: A l’époque où on a créé les tortues Ninja, on avait essuyé tellement de refus, qu’on s’est dit qu’on allait publier le comics nous-mêmes. J’avais 500 dollars, Peter 200 à la banque, et on a emprunté 1.000 dollars à mon oncle. A Dover, où on habitait, on a trouvé un imprimeur. Le premier numéro, 40 pages en noir et blanc et tiré à 3.000 exemplaires, s’est entièrement vendu. Vers les numéros 6 et 7, on vendait entre 60.000 et 70.000 exemplaires. C’était un rêve devenu réalité. On pouvait payer nos factures en dessinant des comics. Dès lors, des gens d’Hollywood sont venus nous voir et on a dit «Non» à plusieurs reprises.

Pourquoi?

Kevin Eastman: Les premiers qui nous ont contactés étaient dégoûtants. Je mentionnais Jack Kirby un peu plus tôt. C’est lui qui a vraiment créé ce qui est aujourd’hui crédité à Stan Lee: Thor, les Quatre fantastiques, Captain America… Il a été complètement lésé je crois. On était conscients que Siegel et Schuster avaient vendu le personnage Superman pour 500 dollars. Nous, nos personnages nous appartenaient, on en tirait de l’argent. On voulait vraiment des propositions qui leur convenaient. Finalement, nous avons confié la marque à Mark Freedman, pendant quinze ans. C’est grâce à lui qu’elle a su toucher les enfants, avec les jouets et les séries.

La nouvelle série qui sera diffusée à la fin de l’année sur Nickelodeon aux Etats-Unis (2013 en France), s’annonce comme un «reboot», c’est-à-dire?

Rich Magallenes: Les Tortues Ninja sont une licence parfaite pour la chaine Nickelodeon. Quatre ados frères, des héros, de l’action, de la comédie... Nous avons voulu recentrer la série sur le fait que ce sont des adolescents et des frères, ainsi que sur les liens entre eux. Mais les armes sont les mêmes et on a conservé leur passé. Il y a quelques changements. Splinter était un petit personnage à la Yoda, on a augmenté sa taille et on l’a fait plus agile et imposant. Du coup, il peut partir en mission avec eux. Il reste leur figure paternelle et leur sensei.

April O’Neil est le seul personnage féminin chez les Tortues Ninja. Comment l’avez-vous inclus dans la série?

Rich Magallenes: On l’a rajeunie, elle a maintenant 16 ans, le même âge qu’eux. Elle a un site Web qui lui permet de recenser les phénomènes étranges qui se passent à la surface. On voulait qu’elle soit comme la cinquième tortue. C’est aussi notre moyen de capter l’audience féminine.

Après la diffusion de la bande-annonce de la série, des critiques s’en sont toutefois prises au nouveau style visuel…

Rich Magallenes: On ne peut pas plaire à tout le monde. C’est un reboot. On essaie d’inclure toutes les déclinaisons visuelles des Tortues Ninja, des comics à la télé en passant par le cinéma. Il y a par exemple des dessins en noir et blanc pour représenter les flash-back. Actuellement, une soixantaine de personnes travaillent dessus dans les studios Nickelodeon.

Et le prochain film Tortues Ninja?

Kevin Eastman: Il est produit par la Paramount. Michael Bay en est le producteur exécutif et Jonathan Liebesman va le réaliser. Josh Appelbaum et Andre Nemec écrivent le scénario. Le film devrait sortir en mai 2014.

Depuis 2011, le comics édité chez IDW Publishing et auquel vous contribuez, est beaucoup plus sombre que les séries. Pourquoi?

Kevin Eastman: Viacom et Nickelodeon avaient adopté le concept des débuts, le fait qu’au départ, dans les années 1980, il s’agissait d’un comics en noir et blanc, plus âpre, destiné à un public plus âgé. Le comics en cours s’adresse à un public plus âgé, la série animée à un public jeune, et le film entre les deux.

Vous avez revendu vos droits sur la franchise à Peter Laird en 2000, qui les a revendus à Viacom en 2009. Depuis, vous vous êtes à nouveau impliqués dans les Tortues Ninja. Ça vous fait quoi?

Kevin Eastman: Le dernier comics que j’avais écrit remontait à 1996... Quand je suis revenu pour travailler sur l’animation et sur le film, je me suis aperçu que les Tortues Ninja étaient drôles et qu’elles m’avaient manqué.

La bande-annonce de la prochaine série Tortues Ninja: