«Il fait un peu pitié, on a envie de le protéger. Il se tient un peu voûté, avec un air honteux, menacé, mal à l'aise. Et, dehors, sous son manteau et dans sa veste en mouton retourné, il se courbe encore plus, on ne sait sous quel poids.» C’est ainsi que Serge Gainsbourg est décrit par Lise Lévitzky, qui fut sa première femme - de 1951 à 1962- et qui a publié le récit de leur histoire.

Les interviews du chanteur, disparu depuis vingt ans désormais, attestent de cette timidité. Il détourne les yeux, minaude, explique qu’il ne pense rien de ses chansons, esquive les compliments. Celui qui brûla un jour un billet de 500 francs à la télévision, faisant se souvenir de lui comme d’un trublion, était surtout un grand timide.

Et c’était malgré, ou peut-être à cause de cette timidité, qu’il était tout aussi bien un séducteur. Lise Lévitzky le raconte dans son récit, et ses liaisons à venir, avec Brigitte Bardot ou Jane Birkin, en attestent.

Le provocateur qu’il était (proposition indécente à Whitney Houston à la télévision, affirmation de la chanson comme un art mineur, ou «décadanse» avec Jane Birkin) l’était beaucoup par timidité. Et parce qu’à force de jouer à ne pas l’être, il était devenu un peu ce masque qu’il portait. «C'est une défense de mettre un masque. Moi je crois que j'ai mis un masque et que je le porte depuis vingt ans, je n'arrive plus à la retirer, il me colle à la peau. Devant, il y a toute la mascarade de la vie et derrière, il y a un nègre: c'est moi».

Gainsbourg masqué, blessé, c’était Gainsbarre. L’artiste et son double ont été immortalisés par le biopic onirique de Joann Sfar : Gainsbourg Vie Héroïque. Eric Elmosnino (récompensé aux derniers César) y campe le chanteur, suivi de sa marionette, son double en carton.