L'enfer dans un coin de paradis
fulgurant « Château de sable » de Frederik Peeters, un terrifiant huis closolivier Mimran
Chaque nouvel album de Frederik Peeters est suivi de très près. Notamment au festival d'Angoulême où le Suisse a récolté six nominations consécutives pour autant d'œuvres différentes (Pilules bleues, Lupus…). Très productif, cet auteur phare de la BD francophone n'a pour l'heure reçu que deux prix importants, mais avec son formidable Château de sable (éd. Atrabile), il pourrait bien décrocher en janvier prochain celui du meilleur album.
Une dramaturgie implacable
Ecrit par Pierre-Oscar Lévy (lire ci-contre), cet oppressant tableau en un acte confronte treize personnages sur une plage isolée et d'ordinaire très paisible. Sans que l'on en connaisse les raisons, ce petit coin de paradis se mue en enfer après une succession d'événements aussi dramatiques qu'improbables : un cadavre est découvert, les protagonistes, adultes comme enfants, se mettent à vieillir prématurément… et il leur devient impossible de quitter la plage désormais ceinte d'un champ invisible ! Brillant dans sa dramaturgie, bénéficiant d'une esthétique plus travaillée qu'il n'y paraît, cet envoûtant huis clos fait écho à la pièce de Sartre. Mais si ce dernier affirmait que « l'enfer, c'est les autres », Peeters et Lévy, en circonscrivant l'espace-temps d'êtres ordinaires, établissent que l'enfer serait surtout… le regard des autres.