«Black Mirror»: Puces, immortalité virtuelle, robots tueurs… Le cauchemar peut-il voir le jour?
DYSTOPIE•A l’occasion de la diffusion de la saison 4 de « Black Mirror » le 29 décembre prochain, on fait le point sur la réalité et les fantasmes liés aux nouvelles technologies...Laure Beaudonnet
L'essentiel
- La saison 4 de Black Mirror est diffusée sur Netflix à partir du 29 décembre.
- A la réalisation des six épisodes, on trouve des stars telles que Jodie Foster, Toby Haynes, John Hillcoat.
- Pour l’occasion, 20 Minutes a décidé de plonger dans l'actualité du cauchemar technologique.
Tremblez, le cauchemar arrive sur votre petit écran. Black Mirror vous aspire dans le futur dystopique le 29 décembre prochain sur Netflix. Puces dans le cerveau, duplication de la conscience, immortalité virtuelle, robots tueurs… Si les épisodes ne se suivent pas, certains dispositifs se retrouvent dans toutes les saisons. Ici, le véritable personnage principal, c’est la technologie. Elle revient hanter les héros comme un mauvais rêve dont on n’arrive pas à se débarrasser.
A l'occasion de de la diffusion de la saison 4 de la série d’anthologie, il est temps de se pencher sur notre futur. Et si les mauvais rêves de Charlie Brooker - l’auteur de génie - nous pendaient au nez ? On fait le point avec Jean-Gabriel Ganascia, chercheur en intelligence artificielle, président du comité d’éthique du CNRS, et Nathanaël Jarrassé, chercheur à l’Institut des systèmes intelligents et de robotique (Isir), sur l’avenir de notre humanité. On n’a pas peur des grands défis.
De quoi les puces dans le cerveau sont-elles capables ?
Les implants de puces sont au casting de plusieurs épisodes. Ils enregistrent chaque détail de notre journée (saison 1), déforment la perception des militaires (saison 3), permettent aux mères d’espionner leur fille à tout moment (Arkangel, saison 4).
En réalité, les implants sont encore loin de ce que la série décrit. « La plupart des avancées récentes sont plutôt dans la mesure de l’activité cérébrale », observe Nathanaël Jarrassé. Les interactions cerveau-machine représentent un espoir dans l’assistance handicap : par un implant ou un casque encéphalographique, on arrive à décoder un état de la pensée pour générer une action du robot ou l’exosquelette. De même, le deep brain stimulation (DBS) aide à stopper les tremblements des malades de Parkinson.
Mais augmenter le cerveau, comme le voudrait Elon Musk, ce n’est même pas la peine d’y penser. Avec Neuralink, l’entrepreneur américain veut greffer des puces pour augmenter la mémoire, suivant une vieille idée de la science-fiction. « D’abord il faudrait être capable de connaître la manière dont la mémoire encode l’information, sans ça, on ne va pas pouvoir greffer une puce, car elle sera codée différemment. Deuxième chose, la mémoire n’est pas localisée à un seul endroit, elle est dans tout le cerveau et, surtout, elle est multiple », explique Jean-Gabriel Ganascia. Nous avons une mémoire consciente, inconsciente, une mémoire déclarative, procédurale… Elon Musk réduit la mémoire à quelque chose de très pauvre.
A la manière de l’épisode Crocodile (saison 4), on pourrait imaginer des dispositifs de captation d’information qui prendraient tout notre champ de vision, comme des lunettes ou une caméra greffée à l'intérieur de l'oeil, et qui nous permettraient de revivre les événements de notre vie. « Steve Mann -le pionnier de la réalité augmentée- avait travaillé sur cette idée. On pose le dispositif à la naissance d’un bébé et il enregistre les images de sa vie », envisage Jean-Gabriel Ganascia. Le lifelog n’est pas impossible mais il faudrait des outils compliqués.
Pourrait-on avoir un alter ego virtuel bloqué dans le cloud ?
Dans White Christmas et dans USS Callister (saison 4), les personnages sont dupliqués dans le cloud. Ils sont si bien copiés qu’ils peinent à comprendre qu’ils ne sont pas les originaux.
On en est extrêmement loin de pouvoir l’envisager. « C’est une vieille idée, liée à la singularité technologique [le jour où l’intelligence des machines aura dépassé celle des hommes] : être capable de transférer, de dupliquer son esprit sur un nuage virtuel », souligne Jean-Gabriel Ganascia. On pourrait par contre imaginer, une machine -qu’on aurait paramétrée- capable d’anticiper nos habitudes et nos réactions. « Mais ça resterait très limité », admet-il. Elle anticiperait nos envies au quotidien, un peu comme le personnage de Oona Chaplin dans White Christmas.
Va-t-on connaître l’immortalité virtuelle ?
San Junipero, le chef-d’œuvre de la saison 3, imagine une vie éternelle dans le cloud tandis que Bientôt de retour (saison 2) fait renaître un proche dans la peau d’un robot. Dans Black Museum (saison 4), le personnage est ressuscité dans la tête de son conjoint toujours vivant.
L’idée de San Junipero où nous serions copiés dans le cloud paraît improbable. « Ray Kurzweil, directeur de l’ingénierie de Google et l’un des futurologues les plus reconnus, explique qu’à partir de 2045, on va télécharger la conscience sur une machine, et on pourra vivre éternellement, mais cela ne repose sur rien », insiste Jean-Gabriel Ganascia. Et pour Nathanaël Jarrassé, c’est une vision dualiste, qui distingue l’esprit et le corps. « Les courants sensorimoteurs, avec la notion d’énaction, reviennent sur cette idée depuis quelques années. Ils montrent que notre conscience est avant tout un système de gestion de notre corps. On est, on pense, on agit parce qu’on perçoit au travers de notre corps », précise le scientifique.
Si nous ne resterons certainement pas en vie éternellement, on peut imaginer donner l’illusion d’être toujours là, à la manière de l’épisode Bientôt de retour. « Il y a une vingtaine d’années, j’avais été contacté par des médecins renommés qui travaillaient sur Paul Valéry. Ils voulaient construire une machine qui répondrait comme si Paul Valery était vivant à l’aide de ses pensées -le philosophe écrivait tous les matins dans des carnets-. On pourrait l’imaginer », confirme Jean-Gabriel Ganascia. Une manière de garder la personne morte en vie.
Les robots vont-ils tous nous tuer ?
Les drones abeilles de Haine virtuelle (saison 3) conduisent des attaques ciblées tandis que des chiens robotisés tuent tous ceux qu’ils croisent dans Metalhead (saison 4).
On a déjà la plupart des outils, mais il ne faut pas imaginer cette technologie comme Elon Musk ou Stephen Hawkins la décrivent. « Ce ne sera pas Terminator sur un champ de bataille. Ce seront des systèmes d’attaques ou de défenses automatisées », décrit Nathanaël Jarrassé. On pourrait imaginer un drone tirer sur une cible déterminée géographiquement grâce à des coordonnées GPS. « On sait déjà le faire », indique-t-il.
« A l’heure actuelle, il y a une validation humaine dans la chaîne de commande. Le débat c’est : est-ce qu’un algorithme pourra prendre la décision sans faire intervenir l’humain », interroge-t-il. « Pour Elon Musk, les armes vont choisir elles-mêmes leurs cibles et l’idée qui se cache derrière, c’est qu’elles auraient une volonté propre, et ça n’a pas de sens », insiste de son côté Jean-Michel Ganascia. Si l’attaque d’un essaim de drones-abeilles paraît trop sophistiquée à mettre en place, un drone capable de traquer une cible de manière autonome, pourquoi pas.
Maintenant, courez.