INTERVIEWVIDEO«Jean Rochefort avait quelque chose de rare en France: l'autodérision»

VIDEO. «Jean Rochefort avait quelque chose de rare en France: l'autodérision»

INTERVIEWChristophe Ernault, codirecteur éditorial de la revue « Schnock » évoque pour « 20 Minutes » ce que Jean Rochefort, décédé ce lundi, a apporté à la culture populaire française…
Fabien Randanne

Propos recueillis par Fabien Randanne

Alister (Christophe Ernault) lors d'un concert à Paris en 2016.
Alister (Christophe Ernault) lors d'un concert à Paris en 2016. - SADAKA EDMOND/SIPA

Le « Jean Rochefortisme » existe, Christophe Ernault, alias Alister (photo ci-contre), nous l’a raconté. Le directeur éditorial de la revue Shnock, qui pioche chaque trimestre dans la mémoire collective des années 1960 et 1970 pour composer son sommaire, a expliqué à 20 Minutes ce qu’a apporté Jean Rochefort à la culture populaire française. Une manière de comprendre pourquoi l’annonce du décès de l’acteur, ce lundi suscite un tél émoi.

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

Philippe Noiret, Bruno Crémer, Annie Girardot, Claude Rich… Avec le décès de Jean Rochefort, c’est un autre membre de la « bande du conservatoire » qui a disparu…

C’est toute une génération qui va nous quitter. Il reste Jean-Pierre Marielle et Jean-Paul Belmondo [et Pierre Vernier]. Ces comédiens faisaient les rigolos mais n’en étaient pas complètement. Ils connaissaient leurs classiques, ils pouvaient jouer Molière ou Pirandello, ils étaient des pointures dans leur art. C’est quand ils ont vu Belmondo cartonner dans des comédies qu’ils se sont décidés à changer de registre.

Que vous évoque la mort de Jean Rochefort ?

Il a eu un destin unique, ou presque. Comme Philippe Noiret, il a connu le succès sur le tard. Il a commencé comme sparring-partner de Belmondo sur Les Tribulations d’un Chinois en Chine. Au début des années 1970, il devient star à part entière et trouve la gloire à 40 ans, notamment grâce à Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis. Ces deux films d’Yves Robert sont la quintessence du « Jean Rochefortisme » : un personnage de Français débonnaire, allant jusqu’à la lâcheté et à qui on pardonne tout. Il est toujours détaché, élégant, avec quelque chose de très rare en France : l’autodérision. En France, on est plutôt dans le culte du héros, de l’homme « le vrai » à la Gabin, Delon ou Belmondo. Jean Rochefort a toujours été un antihéros, un monsieur-tout-le-monde, qui va nous faire rire. Il est assez élégant, bourgeois, on l’aurait mal vu dans La Bête humaine en conducteur de locomotive. Il a quelque chose de rassurant.

Son personnage d’Etienne Dorsay dans « Un éléphant… » et « Nous irons tous au paradis » est souvent perçu comme une incarnation de l’homme français des années 1970...

Il incarne la bourgeoisie de l’époque giscardienne remuée par les événements de 1968, qui a peur du changement. Etienne est un homme volage qui revient toujours au bercail finalement. Jean Rochefort joue souvent des personnages de pleutres sur le papier mais il arrive à les rendre très sympathiques. On lui pardonne tout.

Jean Rochefort incarnerait quelque chose de très français tout en maniant un flegme à la britannique et suscite l’adhésion avec des personnages de bourgeois alors que ceux-ci ne sont guère aimés par le grand public, c’est paradoxal, non ?

Dans les réactions au décès de Jean Rochefort sur les réseaux sociaux, je vois passer des choses évoquant une espèce de « francité ». Je n’aime pas ce mot. Pour moi, c’est plus compliqué que ça. C’est le bourgeois gentilhomme. Son humour, pour moi, n’est pas une incarnation de l’humour français et c’est ce qui le rend intéressant. Parce qu’il l’a imposé à un moment où se distinguait le rire « badaboum » à la Louis de Funès – je n’ai rien contre de Funès, un humour froid et grinçant qui n’est pas non plus complètement anglais. Il n’a pas vraiment d’équivalent, c’est pour ça que je parle de « Jean Rochefortisme ».

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

Parmi la nouvelle génération de comédiens, qui pourrait s’inscrire dans l’héritage spirituel de Jean Rochefort ?

Edouard Baer est le mieux placé, même si je ne sais pas si on peut vraiment parler de « nouvelle génération ». Et puis, il est quand même plus barré que Rochefort. Je dirais aussi Guillaume de Tonquédec. Jean Rochefort avait une forme d’esprit qu’il serait actuellement difficile de développer de façon aussi populaire. Quand on revoit Un éléphant…, c’est très subtil, c’est drôle et triste en même temps. Je ne dis pas que depuis le niveau a baissé, mais pas loin. Aujourd’hui, il faut un truc bourrin, faut que ça tache, pour que ça marche.