«Haha, tu vas mettre ton chapeau de paille et tes Stan Smith et allez bouffer du quinoa en écoutant les piaillements de Camille… T’es tellement un(e) bobo ! » Les festivaliers de We Love Green (samedi 10 et dimanche 11 juin, au bois de Vincennes) ayant à leurs dispositions des potes pénibles ne devraient pas manquer d’entendre une sentence équivalente.

Au milieu de la programmation toujours très riche de We Love Green (à titre d’exemple, samedi soir, vers 22 heures, il a fallu choisir entre Solange et Flying Lotus, le dilemme…), Camille présentera son tout frais nouvel album, Ouï, après cinq dates archi-complètes à la Cigale et avant une tournée qui devrait durer un an.

Par-delà le bio et le mal

Que la chanteuse aux pieds nus et à la voix haut perchée, porte-drapeau d’une génération de chanteuses française qui dans les années 2000 ont décidé de ne pas choisir entre chansons populaires et exigence artistique, soit programmée dans LE festival écolo-bobo par excellence a quelque chose de cocasse, bien sûr.

Les allergiques, par principe ou conviction, au mariage entre musique et militantisme écolo seraient bien inspirés de dépasser leur dégoût pour se plonger dans le nouvel et meilleur album de la chanteuse. Et ce pour 4 bonnes (et éco-responsables) raisons.

• 1. Camille n’est pas qu’une militante
  

En concevant cet album, Camille a envisagé d’en faire un album de lutte qui se serait appelé Non. Finalement, le plaisir de la musique et des inspirations finalement plus personnelles que sociales l’ont conduit à l’intitule Ouï et à en adoucir le propos. C’est très heureux. Il y a bien la chanson Nuit Debout, qui fait une référence politique douce, et l’étonnant Twix​, amusette sur la malbouffe. Mais les autres chansons n'en sont pas moins fortes, bien au contraire. Je ne mâche pas à mes mots ou Fontaine de lait sont, à leur façon, des chansons politiques.

• 2. Elle a construit une secte de la bonne humeur
  

Sur scène, Camille apparaît d’abord caché sous un grand voile. Habillée d’un bleu marial tout au long du show, elle affecte la figure d’une grande prêtresse. Partage œcuménique, transe mystique, grand-messe lyrique… Tout le vocabulaire religieux et liturgique ne suffirait pas à décrire l’incroyable communion qui caractérise un concert de Camille. D’abord très sérieuse, presque fermée, installant un climat très fort à son show, Camille ouvre peu à peu son sourire et sa voix jusqu’à une fin de concert en apothéose.

• 3. Elle est généreuse
  

Lors du dernier de ses cinq concerts parisiens à La Cigale, la semaine dernière, Camille a fini par embarquer les spectateurs dans la rue puis sur une place voisine, sur la butte de Montmartre, pour entonner une dernière chanson a cappella, à la surprise générale. Ce genre de moment résume parfaitement l’état d’esprit foncièrement généreux de Camille qui donne énormément d’elle-même sur scène, surtout de son corps qu’elle remue en tous sens. Moins bavarde qu’à l’accoutumée, à part à la fin de ses shows où elle engage le dialogue avec son public, la chanteuse a atteint une maturité émouvante dans son rapport avec son audience. Elle tisse un rapport franc sans jamais oublier que c’est elle qui doit mener la danse.

• 4. On est enfin habitué à son style
  

Parfois émouvante, parfois amusante, souvent déroutante, Camille perdait parfois ses auditeurs les moins attentifs avec son amour pour tous les sons, dont les borborygmes. Longtemps victime d’une étiquette de chanteuse intello et un peu pénible, Camille est aujourd’hui tellement bien identifiée dans le paysage musical qu’elle y a gagné une forme de normalité et de tranquillité. Oui, c’est bizarre, c’est du Camille, mais surtout, c’est très beau. Profitons-en.