Bob Dylan Nobel de littérature: Pas une si grosse surprise
LITTERATURE•Le musicien et poète américain a été récompensé ce jeudi par l’Académie suédoise. A la « surprise générale » ? Pas vraiment…Annabelle Laurent
. Voilà la précaution que nous avons dû prendre, à 20 Minutes, en annonçant le nom du lauréat 2016 du prix Nobel de littérature. Rien de plus sérieux pourtant dans l’attribution du prix à Robert Zimmerman, aka Bob Dylan. Ce jeudi 13 octobre à 13h, l’Académie suédoise a salué « un grand poète dans la pure tradition anglophone » et assuré que les paroles de Dylan, « qui peuvent être lues comme jouées », s’inscrivent dans la tradition de « grands textes poétiques d’Homère ou de Sappho ».
Ce qui s’est tramé en coulisses pour couronner Bob Dylan alors qu’on plutôt Murakami ou Adonis ? On le saura… dans 50 ans. Comme pour tous les Nobel, les archives des délibérations pendant un demi-siècle, et il faudra des générations pour savoir à quels quatre auteur(e) s, présent(e) s dans l’ultime shortlist, Dylan a réellement raflé le prix.
Ce qu’on sait d’emblée en revanche, c’est qu’il n’y a pas de « surprise générale » dans cette nomination. Pas du tout. Voici pourquoi... (et si dans les coulisses de l’écriture de cet article, vous sentez qu’on a voulu forcer le trait, vous n’en aurez la confirmation que dans 50 ans).
Un retard louche
Le Nobel de littérature a ses , et l’un d’eux est une annonce le premier jeudi du mois d’octobre. Soit la semaine dernière. Soit un retard d’une semaine qui a attisé la curiosité des experts. Simple question d’agenda 2016, a justifié l’un des 17 membres de l’Académie - des écrivains, des critiques, qui ont reçu en février 200 candidatures et ont retenu vingt, puis cinq noms. Simplement, ils ont dû se réunir « quatre jeudis de suite à partir de l’avant-dernier jeudi de septembre », lequel tombait un 22, ce qui amenait tout bêtement au 13 octobre. Mais pour plusieurs journalistes culturels suédois, cette histoire d’agenda sonnait comme une jolie excuse…, révélatrice d’un évident , peut-être au sujet d’un « lauréat politiquement controversé ». « On ne va quand même pas donner le Nobel à un parolier ? », s’emporte X, tandis que Y se prend la tête dans les mains une énième fois, grommelant : « Ce que ta conception de la littérature peut être sectaire….». Et hop, à force de se friter, les Académiciens auraient joué les prolongations.
Les bookmakers étaient (plus ou moins) parés
Bob Dylan au Nobel, les paris en ligne, eux, s’y étaient préparés. Depuis des années, le nom du musicien est présent sur les listes, comme en témoigne cet du Guardian de 2011. Bon, cette année, les bookmakers y croyaient peu. Qui décrochera le Nobel en 2016? « Pas Bob Dylan, ça c’est sûr », écrivait sans craintes le américain The New Republic au vu de la faible cote du chanteur. Tout en espérant qu’un Américain prenne enfin le relai de Toni Morrison, couronnée 23 ans plus tôt.
L’Académie aime les poètes
L’Académie aime les poètes. Le tout premier lauréat du prix en était un, le Français Sully Prudhomme, et de nombreux poètes ont été récompensés au cours de l’histoire en hommage, notamment, à la passion d’Alfred Nobel pour la poésie. « Mais Bob Dylan n’est pas poète, il est parolier », nous direz-vous? C’est justement ce dont s’ le Telegraph en 2007, en apprenant qu’à l’occasion de la Journée nationale de la poésie, seraient soumis aux élèves britanniques… des textes de Bob Dylan.
How many songs must a man write, before you call him a poet?
(«How many roads must a man walk down / Before you call him a man?», Blowin' in the Wind, 1962)
L’Académie pense dis-ru-ption
L’Académie aime surprendre. Et ces dernières années, innover. Alors que les auteurs de nouvelles semblaient être largement défavorisés, l’Académie , première auteure presque exclusivement nouvelliste à recevoir le prix. La longue liste des lauréats compte aussi un homme d’Etat, Winston Churchill, ainsi que trois philosophes (Rudolf Christoph Eucken, Henri Bergson et Bertrand Russell) et un historien (Theodore Mommsen). Il manquait un musicien.
Il fallait stalker les membres de l’Académie sur Spotify
Enfin, pour mieux se préparer à la « surprise », il n’y avait qu’à espionner les membres de l’Académie, connus pour leur . L’été, personne ne doit savoir ce qu’ils lisent. Ils sont donc parfois obligés d’utiliser des noms de code pour les auteurs, et sont même réputés pour utiliser de fausses couvertures quand ils lisent en public. Mais cet été, qui s’est chargé d’espionner leurs achats de disque et leurs playlists sur Spotify, hein, qui ?