Tinder détruit… la confiance en soi / la santé / les couples / (Complétez)
HIGH TECH•Tinder détruirait la confiance en soi, selon une étude récente critiquée par l’application de rencontres, qui doit régulièrement se défendre contre tout type d’accusations…Annabelle Laurent
Tinder est mauvais pour la confiance en soi, Tinder déprime les femmes (et encore plus les hommes)... Voilà du moins les conclusions reprises ces derniers jours par des dizaines de sites d'info (dont 20 Minutes), après la publication d’une étude de l’université de North Texas, dévoilée par Time Magazine le 4 août dernier.
Menée auprès de 1.300 étudiants d’université, 1.044 femmes et 273 hommes (au «college», donc âgés d’environ 18 à 22 ans), l’étude tentait d’abord d'évaluer leur niveau de confiance en eux au travers de questionnaires («Vous sentez-vous à l’aise dans votre corps?», «Quelle image avez-vous de vous-même»?), avant de leur demander, dans un second temps seulement, s’ils faisaient partie des 50 millions d’utilisateurs réguliers de Tinder, ce qui était le cas de 102 d’entre eux.
Les chercheurs avaient pourtant pris des pincettes, mettant en garde sur les conclusions hâtives. «Si les utilisateurs de l’application ressentent moins de confiance en eux, cela ne veut pas nécessairement dire que l’application en est la cause, indiquent-ils. Il se peut tout à fait que les personnes avec une plus faible confiance en eux soient attirées par ce type d’application». Et les chercheurs d’ajouter que cette étude, la première à examiner le comportement psychologique des hommes et des femmes en lien direct avec Tinder, devait désormais s'accompagner de recherches complémentaires.
Des précautions vite oubliées par les articles ayant abouti à l'équation: Tinder = confiance en soi ruinée.
Un message de la sociologue «maison» de Tinder
Dans un mail adressé aux rédactions (dont 20 Minutes, par Tinder France), l’entreprise fondée par Sean Rad considère que les «conclusions de l’étude ne peuvent pas être considérées comme pertinentes en raison de manquements méthodologiques majeurs». «Un échantillon de sondés trop réduit» d’une part (102 personnes), et une «non-représentativité fondamentale de la population de laquelle il a été tiré» d'autre part, sont mis en cause. L'échantilon n'est «pas représentatif de l’ensemble des utilisateurs de Tinder dans le monde, puisqu’il s’agit des étudiants de deux universités publiques du Sud-est et du Sud-ouest des États-Unis».
Le message est signé de la sociologue «maison» de l’application, Jess Carbino, qui vient justement d’être interviewée par FastCompany dans un entretien fleuve où elle prodigue ses conseils aux utilisateurs qui veulent maximiser leurs «matchs» (ou succès sur l'application), conseils dont s'est fait écho Libération.
La flamme de Tinder, diabolique depuis 2012
La défense de Tinder rappelle l'épisode de l'an dernier, à la suite de la publication d'une longue enquête Vanity Fair explorant la «hook up culture» et qui épinglait ses travers: marchandisation malsaine de l'amour, zapping, perte de temps, aucune chance réelle de rencontre...
L’entreprise s’était alors lancée dans une grande envolée sur son compte Twitter, comme nous l'avions raconté ici in extenso.
Alternant les saillies ironiques et plutôt de bons sens...
... et l'emphase un brin mégalomaniaque assez fréquente de la part des start-ups de la Silicon Valley:
Bref, un craquage en règle, mais à lier sans doute à la lassitude de l'application accusée de tous les maux depuis sa création. Citons par exemple:
- Tinder, nid à MST. Tinder avait eu le droit, quelques mois plus tôt en mai 2015, à un cadeau du département de Santé de Rhode Island aux Etats-Unis (le plus petit Etat du pays). Celui-ci avait indiqué avoir constaté une hausse inquiétante des MST entre 2013 et 2014 et suggérait: « Les comportements à risques incluent autant le recours aux applications de rencontres qui arrangent des relations sexuelles entre anonymes que les relations sexuelles non protégées ou la multiplication de partenaires sexuels. » Sans qu'il n'y ait aucun lien avéré avec l'utilisation de Tinder, l'information selon laquelle l'application participait à la propagation des MST s'était vite répandue.
- Tinder, tueur de couples. Autre étude très largement reprise, en mai 2015, celle du Global Web Index qui avait enquêté sur les habitudes numériques de 48.000 personnes... parmi lesquelles 621 seulement disaient utiliser Tinder. Et au milieu des conclusions, une petite bombe: 30% des utilisateurs seraient... mariés. Une information pourtant invérifiable. Tinder n'avait pas manqué de répliquer, avançant le chiffre de 1,7% d'utilisateurs en couple (sans pour autant révéler le calcul: via le statut marital sur Facebook?).
Des personnes en couple sur l'appli? «J'imagine qu'il faut en déduire que Tinder n'est plus seulement un truc de loseurs», commentait une lectrice imaginaire dans un article satirique de The Onion (père spirituel du Gorafi).
Tinder, instrument diabolique pour la santé mentale, conjuguale, et la santé tout court? Une toute récente étude, parue le 2 août, vient d'indiquer que les jeunes nés dans les années 1990 présentent un taux d'inactivité sexuelle plus élevé que chez les générations précédentes. Voilà qui déstabiliserait probablement la lectrice de The Onion: on lui aurait menti sur la génération Tinder?