Amy Schumer, Lena Dunham... Les girls next door font des étincelles à écrans
J'ASSUME•Elles secouent l'industrie de l'entertainment américain tout en imposant leur liberté de ne pas être physiquement parfaites...Aude Massiot
Elles marchent aux côtés de Scarlett Johansson et Charlize Theron sur les tapis rouges, sont nominées aux mêmes récompenses et produisent leurs propres séries et émissions. Pourtant, Amy Schumer et Lena Dunham - repérées dans Inside Amy pour la première et dans Girls pour la seconde - détonnent des canons de beauté prônés par Hollywood. Au point de faire d’elles les égéries d’une nouvelle génération d’actrices maîtresses de la normalité.
Etre parfaites, elles n’en veulent pas
« Ces femmes qui sont à la fois scénaristes, réalisatrices, actrices incarnent la condition féminine contemporaine, décrypte Camille Froidevaux-Metterie, auteure de La révolution du féminin (Gallimard 2015). Elles sont les égales des hommes sur le terrain professionnel tout en s’affranchissant des diktats esthétiques. Elles assument un corps libéré des canons de beauté et témoignent du fait que l’émancipation se joue aussi dans le domaine intime du rapport à soi. »
La réussite de ces actrices, à rapprocher du Mistress America de Noah Baumbach (sorti le 6 janvier 2016) et de son personnage de New-yorkaise libérée incarnée par Greta Gerwig, reflète l’émergence d’une nouvelle figure dans l’audiovisuel étasunien : des jeunes femmes (à comprendre au sens large du terme) pas forcément jolies, pas forcément couronnées de succès dans leur vie et généralement un peu névrosées. Bref, des filles comme les autres.
Un corps disgracieux, et alors ?
Dans la série Girls (2012) déjà, dont la sixième saison sort le 21 février, Lena Dunham, icône de l’habitante de Brooklyn, faisait l’éloge de “la féminité normale”. Elle y retraçait les affres d’une bande d’amies qui subissent les aléas de la vie comme toute une chacune et ne craignent pas d’exposer leurs doutes existentiels les plus intimes.
N’hésitant pas à s’y exhiber nue dans des angles de vues peu flatteurs, l’actrice et réalisatrice de 29 ans a subi les critiques de nombreux internautes scandalisés. « Parfois c’est comme si ce qui énervait autant les gens était ma banalité, explique-t-elle dans une interview pour Elle. Comme s’ils pensaient “pour qui est-ce qu’elle se prend pour me faire écouter ces débilités, quand elle ressemble à ça ?”. »
C’est là où le succès des deux New-yorkaises marque un pas de plus dans la starification de la femme banale. Elles revendiquent le droit de ne pas être belle, (selon les normes données par les magazines féminins), et d’en être fière.
« C’est un message fort qu’envoient ces femmes, analyse Cynthia-Laure Etom, fondatrice de la structure Women in Film France. En une dizaine d’années, on est passé de la femme parfaite, maquillée même au réveil, à des actrices qui incarnent des femmes normales et évoluent dans la banalité du quotidien. C’est important de montrer qu’il existe ainsi différentes identités féminines, différents corps. Cela permet d’évacuer les frustrations, le mal-être qui peut parfois crisper les jeunes femmes. »
Des rôles aussi métamorphosés
Au-delà de leur personnalité, les actrices ont aussi attaqué les clichés bien ancrés des rôles féminins dans les comédies. Pour Camille Froidevaux-Metterie, « le succès de ces femmes " banales " est la preuve que les normes de la féminité sont remises en question. Il n’y a plus de femme idéale mais désormais une multitude d’options féminines qui sont toutes légitimes. »
Pénélope Bagieu, dessinatrice connue pour son personnage Joséphine qui transgressait déjà les canons de beauté, salue cette évolution : « Les personnages féminins dans les comédies peuvent maintenant être drôles sans tomber dans les écueils auxquels ils étaient abonnés au cinéma jusque-là : l’hystérique, la gnan-gnan, l’écervelée, bref celle dont on rit, et pas celle qui est drôle. Certes, il était temps, mais c’est quand même une très bonne nouvelle. »
Amy Schumer et Lena Dunham restent pour l’instant deux actrices dans un océan hollywoodien de corps parfaits, mais elles ont bien commencé à y faire des vagues.
« (Et les gens ont des jolis sacs) pic.twitter.com/X65gAeNPCR — Pénélope Bagieu (@PenelopeB) 11 Octobre 2015 »