LITTERATUREPrix Goncourt: Qui est Mathias Enard, le lauréat 2015?

Prix Goncourt: Qui est Mathias Enard, le lauréat 2015?

LITTERATUREAvec « Boussole », il a été enfin couronné par l’académie Goncourt…
David Blanchard

David Blanchard

C’est donc avec Boussole (Actes Sud) que Mathias Enard entre dans la grande liste des prix Goncourt. Un couronnement attendu pour celui qui, à 43 ans, construit depuis 2003 une œuvre exigeante.

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1. Il a la carte

Chez les auteurs, il y a ceux qui cavalent derrière les prix en se contentant de miettes (Christine Angot ou Frédéric Begbeider au hasard), et il y Mathias Enard. Le prototype du bon élève de la littérature française, qui collectionne les prix littéraires prestigieux. Ça a commencé par le Livre Inter ou le prix Décembre, entre autres, pour Zone, paru chez Actes Sud en 2008. Ça s’est poursuivi avec Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants, qui obtient le très vendeur Goncourt des lycéens en 2010. Rue des voleurs en 2012 a figuré sur la première liste du Goncourt. Autant dire que le retrouver avec le prix le plus prestigieux cette année n’est que la suite logique de sa carrière. Reste maintenant à décrocher le Nobel, mais là, on ne misera pas notre salaire.

2. Il affiche son style

S’il était rappeur, Enard ressemblerait sans doute à 50 Cents. Le genre qui affiche ostensiblement son style. Avec Zone, il s’est lancé dans 500 pages sans un seul point. Bingo : une très bonne critique, et des prix à la pelle. Pour Boussole, Enard arrive à jongler entre son histoire, celle d’un musicologue autrichien épris d’une orientaliste française, et les multiples anecdotes sur les passionnés d’Orient à travers les siècles. Si le tout donne un livre touffu, et pas aisé à lire, cela plaît à une partie de la critique. Au point que certains voient en lui « le nouveau Balzac ». Bon, physiquement, nous, on lui voit aussi une ressemblance avec Bilbon Sacquet.

3. Il aime l’Orient

Chacun de ses livres fait écho à la grande passion de celui qui a enseigné un temps l’arabe à l’Université de Barcelone : le Proche et le Moyen-Orient, et le Maghreb. Un Orient positif, tolérant, loin des images barbares déversées sur les réseaux sociaux par Daesh. Enard a voulu « lutter contre l’image simpliste et fantasmée d’un Orient musulman et ennemi, en montrant tout ce qu’il nous a apporté ».

4. C’est l’anti-Houellebecq

Le jour où l’académie Goncourt souhaite inviter ses derniers récipiendaires, il faudra faire attention au plan de table. « Je viens de lire Soumission, de Houellebecq : c’est franchement marrant, mais aussi sinistre et désolant, cette vision hyperutilitariste de l’islam qui permet à des mâles occidentaux ne bandant plus de se taper des jeunes femmes par quatre… », a déclaré à L’Obs Enard. Cette opposition remonte même à plus loin : en 2010, le Goncourt des lycéens lui avait été décerné, au détriment de La carte et le territoire de Houellebecq qui reçu le « vrai » Goncourt. « C’est facile d’adopter un style cynique, alors que Enard a un style vraiment unique, son œuvre c’est un poème pictural », avait commenté à l’époque un jeune juré.