Album hommage à Trénet: Pourquoi le «Fou chantant» est resté moderne
MUSIQUE•Benjamin Biolay rend hommage au chanteur avec « Trénet », un album de reprises qui sort ce lundi…Dolores Bakela
Les albums de reprises sont légion. Benjamin Biolay s’est penché sur l’œuvre de Charles Trénet avec Nicolas Fiszman et Denis Benarrosh, deux complices musiciens. Le trio revisite douze titres du chanteur, qui met en avant le caractère moderne du répertoire de l’artiste disparu en 2001. 20 Minutes vous explique pourquoi.
Des textes poético-politiques, un univers musical métisse
Si le premier single, Revoir Paris, de cet album de reprises intitulé Trénet est une chanson que Charles Trénet a écrite en revenant des Etats-Unis, en proie au mal du pays, le répertoire du chanteur est le fruit d’une œuvre profondément métisse, ancrée en France et ailleurs.
L’artiste a très vite apprécié le jazz, musique afro-américaine, et s’en est inspiré pour que ses titres sonnent swing comme Le Temps des cerises, que Benjamin Biolay et ses acolytes ont reprise. Si elle n’est pas de lui, cette chanson qu’il a chantée en 1942, pendant la guerre, aborde le thème de l’amour et a souvent été vue comme l’évocation d’une révolution ratée. Un double sens dont Charles Trénet était friand. Fou chantant, oui, mais lucide.
Un flow plein de fantaisie
Débit de l’eau, débit de lait, A la porte du garage… Charles Trénet a trituré la langue française, en prenant un thème et, lancé à fond de cale, a bâti une histoire rocambolesque vivante. Benjamin Biolay parle-chante les textes de Trénet, qui concentrent l'humour et l’humanité observée avec acuité dans la plus pure tradition de l’époque. On avance dans un univers où les assonances et les allitérations sont nombreuses comme Le Vieux piano de la plage, que le chanteur présente comme un « souvenir d’amour » qui « ne joue qu’en fa/qu’en fa-tigué (…) possède un la qui n’est pas gai (…) ne joue qu’en sol/en soli-tude ». Des morceaux que ne renieraient pas rappeurs et slammeurs d’aujourd’hui, prompts à jouer aussi avec les images et les mots.
Des textes et de la musique intemporels
Pour beaucoup, dont Charles Aznavour, Charles Trénet est l’inventeur de la musique poético-moderne, pour qui l’amour est une thématique récurrente et souvent nostalgique, décrite avec des mots simples mais dans lesquels on peut se retrouver, qu’on soit né en 1940 ou bien après. Ainsi, l’un de ses plus grands succès, Que reste-t-il de nos amours, reprise par une multiplicité d’artistes avant Biolay, d’Eddy Mitchell à Dalida, en passant par Frank Sinatra ou encore Barbra Streisand, est une évocation des amours passées, Coin de rue, un regard sur l’enfance à travers les lieux aimés. Qui n’a pas déjà ressenti cela ? Dans L’âme des poètes, Charles Trénet évoquait la particularité de ces derniers : « Longtemps, longtemps, longtemps/Après que les poètes ont disparu/Leurs chansons courent encore dans les rues. » Charles Trénet parlait sans doute aussi pour lui ; force est de constater que le temps lui a donné raison.