INTERVIEWYoussoupha: «"Chanson Française", c'est pour dire que le rap a plus qu'un simple droit de cité»

Youssoupha: «"Chanson Française", c'est pour dire que le rap a plus qu'un simple droit de cité»

INTERVIEWAprès Noir D****, auréolé de succès, le rappeur Youssoupha sort ce lundi «NGRTD», son quatrième album...
Dolores Bakela

Dolores Bakela

Dans la famille du rap français, on a demandé et parlé avec Youssoupha, rappeur aux textes articulés, intelligents, lettrés, qui sort son quatrième album ce lundi NGRTD, à prononcer Négritude.

Que signifie NGRTD?

Je n'avais plus le choix! NGRTD veut dire négritude, selon le concept culturel popularisé par le poète Aimé Césaire. Le mot devrait appartenir à tout le monde. Mais on a appris avant la sortie de l'album que c'était une marque déposée à l'IFPI il y a quelques années par un créateur de ligne de vêtements. C'est une personne d'origine africaine comme moi, qui a à peu près mon âge et vit dans une ville pas très loin de chez moi et qui n'est pas de la famille Césaire. Il aurait pu m'autoriser à utiliser ce mot. Cela m'interroge sur l'esprit de solidarité identitaire qu'on aime brandir parfois.

Pourquoi avoir appelé ainsi votre album?

Je n'essaie pas d'être le Césaire du rap! Je m'appelle Youssoupha, mon label Bomayé Music, la thématique africaine est assez centrale dans mes textes et le public qui me suit n'est pas seulement noir, loin de là. Mon africanité, stigmatisée un temps, et appréciée et reconnue dans ma musique et dans mon parcours, c'est peut-être la meilleure facette de mon identité, ma noblesse à moi.

Vous dites faire du «rap d'amour», de la «love musique». C'est pas un peu cucul et démago?

J'assume complètement! Ma tendance à trop prendre le contre-pied me perdra peut-être... mais aujourd'hui, avec les réseaux sociaux, où tout le monde croit tout savoir sur tout, j'ai le sentiment que la subversion est devenue une posture. Pareil, on me dit de faire de la musique sombre parce que l'époque l'est. Je ne vois pas l'intérêt de jouer le dur, le voyou. C'est sûr et certain que je n'en suis pas un! Ma vie va bien, j''espère que ça va durer, je vends des disques, je vis de ma passion, j'ai fondé ma famille. Ca n'aurait pas de sens d'être dans l'aigreur alors que tout va bien.

Comment avez-vous eu l'idée de développer des événements autour de la sortie de votre album sur le net?

En écoutant mon disque avec mon équipe, on s'est rendu compte que je parlais beaucoup de partage, de solidarité et on a réfléchi à ce qu'on pouvait mettre en place. Et ça a donné l'application, le morceau Entourage, l'exposition interactive ou encore les concerts sauvages diffusés sur l'application vidéo Périscope.

Dans Chanson française, vous vous positionnez comme un ancien dans le rap français et clamez que ce dernier fait partie de la chanson française. Pourquoi ce manifeste?

Je ne suis pas le porte-parole du rap français mais avoir fait quatre albums me donne des responsabilités. Chanson Française est une chanson d'audace pour dire que le rap a plus qu'un simple droit de cité. Ce n'est plus une culture alternative, mais clairement un courant essentiel. Je sample ce qui m'a insipiré et dédicace les jeunes rappeurs qui n'ont pas encore faire leur premier album, pour leur donner de la force, leur dire que moi aussi j'avais peur. Aujourd'hui, je ne suis pas encore arrivé, mais je suis apaisé.