Booba: «A 50 ans ou même à 45, je ne serai plus là»
INTERVIEW•Booba sort ce lundi «D.U.C.», son 7e opus en solo...Propos recueillis par Vincent Colas
A 38 ans, Booba est encore là. Ce qui est plutôt rare dans le rap où les carrières s’arrêtent souvent après un ou deux albums. Lui sort ce lundi D.U.C., son 7e opus en solo. Et il est déjà en tête des ventes sur iTunes… Il a même réservé Bercy pour le 5 décembre.
Comment expliquez-vous votre longévité et surtout le succès commercial qui l’accompagne?
C’est une question d’ouverture musicale. Le rap, c’est une musique qui évolue tous les jours. En ce moment, c’est DJ Mustard qui fait les sons de tout le monde [2 Chainz, Drake, Tyga], et qui apporte sa touche à lui. A une époque, c’était Timbaland ou Dr Dre… Il y a toujours une direction. Et si on ne la suit pas, on devient vite un vieux con. Ta musique devient ennuyante. Et il faut vivre avec son temps. Je ne vais pas demander un instru à DJ Premier [Gangstarr], qui est pourtant une légende du rap. Mais je suis sûr qu’un mec comme Akhenaton, il serait ravi d’avoir une prod de lui. C’est une autre approche. Après, attention, je ne fais pas les trucs pour plaire aux jeunes. Ce que je fais, ça me plaît aussi. Et puis souvent, les rappeurs sont dans des cases. On parlait d’Akhenaton, il a son style de rap, des thèmes, des messages... Alors que moi, je n’ai pas de limites, je ne m’enferme jamais. Le prochain Booba, tu sais jamais à quoi t’attendre.
Sur D.U.C., il y a beaucoup de parties chantées comme sur «G-Love», un morceau reggaeton avec Farruko, ou «Mon Pays»...
C’est instinctif… J’ai beaucoup de mélodies que je suis capable de faire. C'est fini l’époque où si tu veux chanter, il faut un chanteur. Avec l’Auto-tune, t’es un magicien, tu deviens chanteur. Donc quand j’ai une mélodie, je la fais. Peut-être que dans le passé, je me serais dit: «Ah, j’aurais bien vu une mélodie là-dessus. Mais qui je vais appeler? En R’n’B? Matt Pokora? Ah non, laisse tomber, c’est mort (sourire). Pas de chant.» Bob Marley est mon artiste préféré et il chante. Quand j’étais petit, j’aimais bien Voyage, Voyage [Desireless]. On en a tous dans nos placards des Voyage, Voyage (rires).
Aujourd’hui, vous êtes père de famille, à un moment vous écriviez en prison... Ce n'est plus la même vie?
A l’époque des freestyles, je prenais le métro, le bus, j’étais rappeur. Aujourd’hui, je m’occupe de plein de trucs, je n’ai plus le temps d’apprendre tous mes textes par cœur. Maintenant, si tu me chauffes, je te tue un freestyle en 16 mesures. Je sais le faire. Dans Billet violet, je dis «Je fais du sale, mais j’ai plus la rage». Ce que je veux dire, c’est que j’ai moins de choses à prouver. Quand tu commences, tu veux écraser tout le monde, mais là, entre guillemets, je suis dans le Top. Quand j’étais dans Time Bomb, il fallait que je sois meilleur qu’Oxmo [Puccino], qu’Ill [des X-Men]. Ill, à l’époque, il était très très chaud.
Vous vous imaginez rapper encore longtemps?
Non, je vais arrêter bientôt. Dans quelques années, je pense. Je ne pense pas qu’à 50 ans, je serai là… même à 45 ans. Après, il ne faut jamais dire jamais. Le jour où je sens que ce n’est plus pour moi, j’arrête. Le jour où je ne suis plus motivé, où je ne kiffe plus mes sons… Je ne vais pas forcer.
Vous produisez des rappeurs français (40000 Gang, Shay et Siboy ont signé sur 92i), mais il y a peu de featurings avec des Français sur D.U.C.?
Il y a Lino [d'Arsenik], il y a 40000 Gang, il y a Bridjahting, qui rappe en créole. Trois, c’est bien. Ça pourrait être moins (rires). J’ai chanté un peu avec tout le monde… Ça me faisait plaisir de faire un son avec 40000. Ils sont de chez moi et on travaille ensemble. Et Lino qui revient. C’est pour ça que j’ai fait appel à lui, ça me faisait plaisir qu'il remette le couvert. Et pour un retour, c’est pas dégueulasse, non? Il sait toujours écrire.
Aux départementales, le FN a réussi une percée en banlieue parisienne. Vous en parlez rarement dans vos textes. Pourquoi?
Je ne sais pas. Le FN, on l’insulte depuis tant d’années, ça devient banal. Le FN, ça ne devrait pas exister de toute façon. En exagérant, c’est comme si aux Etats-Unis le Ku Klux Klan était un vrai parti politique pour lequel tu peux voter et qu’il se revendiquait Ku Klux Klan ouvertement. C’est comme si demain, en France, il y avait un parti nazi avec la possibilité de voter pour eux.